Votre mort nous appartient, Antoine Lencou
C'est l'histoire d'un homme...
« Le Bureau des Suicides, s'il vous plaît ? »
... qui voudrait en finir...
« Vous avez rendez-vous ? »
... mais quand la bureaucratie s'en mêle...
« Le suicide est une affaire sérieuse, monsieur. Revenez dans six mois. »
... et qu'il prend en main son destin...
Splash !
... il a une drôle de surprise au réveil...
« Je ne suis pas mort ?
— Disons que vous ne l'êtes plus. »
Trouvez les mots pour parler de cet OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) n'est pas simple. Je pourrais déjà vous dire, comme le fait deviner sa quatrième de couverture, qu'on peut parler d'un délicieux sens de l'humour noir. Mais ce ne serait pas tout à fait juste. Qu'il y a un croustillant sens de l'ironie, et que cela demande à être pris au dixième degré. Mais en fait, le plus juste serait de parler d'expérience inédite.
Il devrait périr légalement, même s'il devait se battre toute sa vie pour cela. (p47)
On découvre un personnage principal qui veut se suicider car il ne se sent pas en phase avec sa société technologique, où tout se fait à distance via les réseaux, où les robots sont plus nombreux que les hommes et travaillent pour eux... Bref tout est fait pour une vie facile et artificielle, et cela ne lui convient pas. Mais la société ne le lui permet pas de se suicider. En effet dans ce futur proche, les gens peuvent 'revivre' et cela pose de sérieux dilemnes, que ce soit de surpopulation, d'utilité de chacun, de moyens utilisés pour conserver l'intégrité de la personne... et des dérivés de ce genre de technologie. C'est inventif et franchement réjouissant. J'ai vraiment aimé l'univers décris et toute l'ironie des situations, avec un personnage en décalé avec ce qui l'entoure, et qui demande simplement le droit de disposer de sa vie, ce qui est dans le fond un thème terriblement sérieux. Mais l'auteur joue ici un parfait numéro d'équilibriste car le récit n'est pas glaucque ou noir et déprimant (ce qu'il aurait pu facilement être), ni ne tombe dans l'humour et l'absurde. Là dessus, chapeau.
Le récit se concentre sur les conséquences de cette 'nouvelle vie' et des risques pour la sauvegarde de la personne, puisque c'est ce qui inquiète le personnage principal ; le thème de disposer de sa vie reste un peu trop au second plan à mon goût - très intéressant cela dit, avec le second personnage, l'artiste, ou quelques réflexions à piquer à gauche à droite (p60). Peut être aurais je la réponse dans la suite, intitulée "à corps perdu". Pourtant, même si je n'ai pas complètement compris les motivations du personnage à la fin, cette novella peut se lire en toute indépendance et se satisfait d'elle même.
- Je ne vous suis pas. C'est l'assemblage de détails mineurs qui constituent une vie et son intérêt. A quoi servent les grands traits de caractère, les idées majeures, les pensées magistrales si l'ensemble n'est pas pondéré par des fléchissements, des contradictions, des déviances, même infimes... (p43)
Bref, une lecture très originale et qui m'a fait sourire (à condition d'aimer l'humour noir bien sûr), tout en étant mine de réflexions sur des thèmes peu communs. Un gros plus pour l'univers imaginé (notamment la vision jusqu'au boutiste de la domotique j'adore !), un peu moins pour les personnages (le troisième, l'homme d'affaire, étant le gros moins de l'oeuvre à mes yeux. A part le retournement final je l'aurais volontiers éjecté, d'ailleurs il a très peu d'interractions avec les autres.)
4/5 Un livre-univers, un OLNI que je conseille.
PS : petit point que j'ai trouvé incohérent, le fait que les humains ne sortent pas de chez eux du tout et qu'il n'y ait pas de conséquences sur leur physique.
Novella parue chez Griffe d'Encre (maison d'édition géniallisme qui a malheureusement fermée ses portes).
Critique parue pour le Challenge de Xapur :) Et de 1 !