Bifrost N°97 : interview de l'llustratrice et avis (1/2)
Quand j'ai vu la couverture de la revue sur internet, j'ai eu un coup de foudre pour l'illustration : il me fallait absolument l'acheter ! D'autant que cela m'a permis de réparer un tord, celui de n'avoir encore jamais lu le Bifrost. Édité par le Belial', le Bifrost est l'une des revue de l'imaginaire les plus connues (et dont les critiques, réputés pour leurs plumes acérés, sont craintes par les auteur.ice.s). Ce numéro est consacré à Sabrina Calvo, étonnante autrice qui nous livre sa nouvelle "Baiser la face cachée d'un proton". Au sommaire aussi deux autres nouvelles et des chroniques.
Mais avant de détailler tout cela, voici une interview croustillant de Chloé Veillard, l'illustratrice de cette formidable couverture. On va parler dessin, mais aussi jeu vidéo !
— Bonjour Chloé, parles nous d'abord un peu de toi et de ton parcours. Depuis quand dessines-tu ? Est-ce que tu as été en école d'art ou es-tu une autodidacte ?
J’ai un parcours un peu spécial je pense. Je dessine seulement depuis 5 ans ! A 15 ans j’ai découvert le montage vidéo dans une MJC et j’ai adoré. J’ai entamé des études à la Sorbonne de cinéma et je me suis tout de suite spécialisée dans le montage. Très vite j’ai été attiré par l’animation et je me suis mise à monter des séries d’anim et à faire « bouger » des images que mes potes dessinaient grâce à after effect. Je bossais uniquement pour de la cg/animation/jeuxvideos. J’étais très attirée par l’illustration, et lorsque je filmais et montais des making of de jeux/films je mettais toujours l’accent sur le concept artist. Je crois qu’inconsciemment je m’interdisais de dessiner (beaucoup de gens de ma famille – mère/ oncle / arrière-grand-père / père – étaient/sont illustrateurs.)
J’ai commencé à dessiner à la suite d’une rupture amoureuse. C’était mon échappatoire. Mais j’avais si peur que je ne dessinais que des humains avec des tête d’animaux. Dessiner un visage me paraissait une épreuve insurmontable. Puis j’ai rencontré mon amoureux (flauguy) et il m’a poussé tous les jours à dessiner ! il m’a beaucoup appris et surtout à me libérer de ma tétanie. Je bossais le soir et quand je pouvais. Il m'a incité à aller au-delà de mes limites : c’était très dur au début car c’est un processus complètement différent du montage. Souvent je m’effondrais en larmes tellement c’était une épreuve pour moi. Et puis, au fil des mois et des années, j’ai commencé à prendre énormément de plaisir et c’est devenu une vraie drogue. Cela fait donc 5 ans que je dessine et j’ai encore tant de choses à apprendre.
D’ailleurs durant le confinement je vais bosser le tradi et la technique : il y a tant de choses à découvrir dans ce domaine, c’est infini !!
— Tu m’as dit être actuellement concept artist chez Dontnod (studio de jeu vidéo à qui l’on doit le génialissime Life is strange). Peux-tu nous expliquer en quelques mots en quoi cela consiste ? Est-ce que cela fait longtemps que tu travailles dans le jeu vidéo ?
Je bosse chez Dontnod depuis un an, je fais principalement du character design. Cela consiste à dessiner les personnages du jeu et s’occuper de leur design. Là j’ai eu l’énorme chance de pouvoir inventer une partie des personnages. Je ne peux pas trop en parler mais c’est un luxe de pouvoir décider en tant qu’artiste si tel personnage est un homme une femme, de l’âge qu’il a, de ses origines etc. C’est carrément l’éclate ! Généralement on a une description du personnage et on le dessine avec des têtes/coiffures/vêtements différents. Je fais 3 ou 4 versions (sauf pour le héros/l’héroïne ou ça peut aller jusqu’à 10 ou 20 versions) et après le Directeur Artistique choisis la tenue qu’il préfère. On peut faire des mixes c’est très fun. J’adore ça :)
J'ai déjà bossé pour des projets en plus courte durée sur du concept art : c’est plus vaste tu peux dessiner des décors ou des objets qui seront ensuite modélisé. Dans le jeu vidéo c’est assez technique (il faut souvent les mesures etc) donc j’ai encore beaucoup à apprendre.
Comme cela ne fait que 5 ans que je dessine, les enviro sont quelques choses que je ne maîtrise pas totalement. Je me suis concentrée sur le character design et maintenant je me sens prête à aller plus loin. La technique il n’y a pas de miracle : il faut bosser bosser bosser :)
Je bosse du coup depuis 2/3 ans dans le dessin et presque 20 ans dans le montage et environ 10 ans dans le jeu.
Life is strange, le plus gros succès du studio, sorti en 2015, propose une expérience vidéoludique exceptionelle que je vous invite vivement à rattraper. La démo jouable de Life is strange 2 est dispo depuis hier.
— Venons-en au Bifrost n°97 et cette incroyable couverture que tu as réalisée. S’agit-il d’une commande ? Comment s’est passé le travail avec eux, est-ce qu’ils ont eu leur mot à dire ?
Alors figures-toi que je travaille avec Sabrina ! On s’est rencontré sur un projet secret à Dontnod et on a tout de suite accroché. Sabrina est une très belle âme et c’est un plaisir de bosser pour elle. Elle m’a parlé de Bifrost et voulait un portrait. Je n’ai pas lu (au début) sa nouvelle, mais elle m’a raconté l’histoire. Je sentais que c’était quelque chose de très personnelle et fort pour elle. Comment aurais-je pu refuser ! Ce fût un plaisir de bosser pour Bifrost qui ont donné à Sabrina et à moi-même totale carte blanche ! Ils ont été très réceptifs et je suis heureuse d’avoir travaillé pour eux.
— Et maintenant raconte-nous ta méthode et tes inspirations. Comment cette illustration est née ? Est-ce le texte de Sabrina Calvo qui t’as inspiré ce portrait (on y retrouve la neige) ? Pourquoi un œil vert et un œil jaune ? L’effet de traces sur les joues donne une texture intéressante : cela la rend plus « brute de décoffrage », comme sculpté dans de la glaise dont on verrait encore le passage des outils… je m’emballe ou ça te parle ?
Alors ça s’est fait assez rapidement ! Comme je te disais Sabrina m’a parlé rapidement de sa nouvelle et j’ai retenu des mots et sensations : la neige évidemment, la jeunesse, la détermination et aussi j’avais l’impression que c’était une histoire ou son héroïne vivait quelque chose de difficile et qu’elle était en mode combattante. Elle avait aimé un portrait fanart de Gris (note : jeu indé chez Nomada studio) que j’avais dessiné alors j’ai gardé le même genre de cheveux !
De là j’ai dessiné à l’instinct cette jeune guerrière moderne. Sabrina a quelque chose de cyberpunk en elle alors je lui ai fait des piercings, j’ai rajouté un bandeau et des bijoux pour un côté plus « tribal ». Sabrina voulait des lèvres gercées, et j’ai accentué la texture sur les joues et cou pour montrer qu’elle avait eu une vie difficile. J’aime l’idée que la vie marque le corps, des sortes de cicatrices. Je voulais qu’on voie qu’elle avait vécu malgré sa jeunesse.
Pour les yeux vairons c’est juste une particularité que j’aime beaucoup, je trouve cela fascinant.
— As-tu lu les nouvelles de ce Bifrost ? As-tu un texte préféré ? Qu’as-tu pensé de la nouvelle de Calvo (elle est quand même assez particulière) ?
J’ai beaucoup aimé les nouvelles de ce Bifrost. Elles sont toutes différentes mais comme je connais Sabrina j’ai une préférence pour sa nouvelle. Elle m’a beaucoup touchée.
— Merci d’avoir accepté cet interview pour Chez l’aventurier des rêves. Un mot de la fin ?
Merci à toi et je dirais juste : croyez en vous et si vous avez envie de faire quelque chose ne laissez personne vous faire croire que vous n’y arriverez pas !
Faites-le et vivez votre rêve.
Vous pouvez retrouver Chloé Veillard sur son artstation ou sur instagram : badmiaou.
Nous on se retrouve samedi prochain pour mon avis détaillé sur la revue !