la belle fauconnière, Marion Zimmer Bradley
Médieval-fantasy, planet opéra.
Plus édité, trouvable en occasion.
Lu dans le cadre du challenge Summer Star Wars.
Romilly possède le don des MacAran, celui de pouvoir ne faire qu’un avec les bêtes. Elle tente ainsi de dresser un faucon verin, mais cela ne sied pas à la jeune dame qu’elle commence à devenir. L’avenir s’obscurcit lorsque son père entend bien la changer en dame raisonnable, adepte de la broderie, et ce même si cela va à l’encontre de sa nature. D’autant que dans le lointain, résonne les armes et le sang…
Ceci est le troisième tome de la Romance de Ténébreuse (mais il peut se lire indépendament). Mon premier contact avec cette fameuse saga remonte à quelques années, mais j’avais gardé bon souvenir de « reine des orages ». J’ai été plutôt déçue de ce tome ci. Pourtant, cela avait tout pour me plaire : une héroïne forte et sauvage ; une ambiance med-fan* avec des épées, de la magie, de la bravoure ; une autre planète, mystérieuse ; et enfin ce lien si particulier entre l’héroïne et les animaux.
Le mélange n’a pris que difficilement (bien que j’ai, c’est vrai, dévoré la deuxième moitié) et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, j’ai été exaspéré par la condition féminine montrée tout au long du bouquin, vraiment dégradante. J’ai repensé au débat lancé sur le Cercle par Cachou à ce sujet : et je me suis dit zut, pourquoi toujours associer la chevalerie et cette ambiance moyen-âgeuse avec cette mentalité attardée ? Moi je crois qu’on peut évoluer différemment, et imaginer autre chose, pour changer, tout en restant fidèle à certains principes médiévaux. Faire du neuf avec de l’ancien, le moderniser. Ne pas oublier, par exemple, que le chevalier, c’est le galant par excellence dans notre esprit moderne : pourtant, si on lit la version de Troy du Conte du Graal, issue de traditions orales de l’époque, on peut voir comment Perceval et Gauvain sont avant tout des violeurs sans foi ni loi ! Bref je suis d’avis qu’il faut savoir aller plus loin que ces mentalités là, même si c’est de la fantasy médiévale, et que ça s’explique – mais ne s’excuse pas – par le fait que les Hommes d’alors assumaient tout juste leurs besoins vitaux et n’avait pas vraiment la possibilité de développer leurs esprits de tolérance (quand tu es obnubilé par tes besoins primaires, ton cerveau est entièrement pris par cela et n’est pas disponible pour des ‘futilités’. C’est pour cela qu’une certaine ouverture d’esprit de l’Homme se fait depuis peu, dans nos sociétés libérés de la question de survie et érigeant un culte à l’individu et à l’intelligence) (C’était la longue parenthèse de la théorie grosse-tête du jour).
Pour en revenir au livre, le début est lourd, très lourd même, entre cette condition de la femme plus que dégradante et qui empire, puis la pseudo-aventure avec Rory. Attention spoiler : Si elle avait le courage de se défendre, pourquoi attendre des jours ? Et son poignard, c’est juste pour la déco ?
Et ça ne s’arrête pas là : elle doit se déguiser en homme pour être acceptée parmis les hommes (un grand classique) et au détour de certaines phrases, même si l’homosexualité est évoquée et acceptée sans problème, pour le rôle de l’homme et de la femme on repassera : à un moment elle se retient de pleurer, se faisant la réflexion qu’on va comprendre que c’est une femme, puisque seul les femmes pleurent ! (c’est vrai aussi que le livre date de 1982 quand même) Enfin bref, les hommes sont ici des *****, jouant les surprotecteurs pour garder bien la femme dans une position inférieure. Et quand ils découvrent que c’est une femme (bon je spoile pas vraiment, on s’en doutes non ?) alors là ils la jettent comme une chaussette sale, sans un mot. Pour Orain c’est expliqué (maladroitement), mais pour les autres, ils disparaissent de la circulation aussi sec.
Les femmes ont pourtant du caractère : il y a une communauté de guerrière, la Sororité de l’Epée, certaines ont du mordant face aux hommes, et Romilly se révolte, n’acceptant pas d’être reléguée à la couture et aux marmots. Mais j’ai eu le sentiment que ça sonnait faux, que c’était une vrai-fausse révolte voyez ? C’est de bon ton de dire qu’on n’est pas d’accord, mais derrière les mots, on accepte sa situation en faisant profil bas...
La « liberté » que Romilly gagne est dans le même ton : si elle constate bien que la Sororité n’est pas une caste si libre qu’elle y parait, elle ne tique pas plus que cela lorsqu’à la fin du livre, les hommes décident pour elle, à nouveau, de son mari ! Retour à la case départ (ou presque).
Bref je pense m’être largement étalé sur la question ! Il faut savoir pour finir là-dessus que :
-d’après Shaya, la surprotection des hommes s’explique en partie, il faut pour cela lire le premier tome (que je n’ai pas lu. Plus Science-fantasy comme style par contre)
- Un livre est dédié à la libération de la femme dans la société ténébrane (apparemment ça bouge du côté de la Sororité), c’est la saga des Amazones libres.
Bon et à part ça ? Le contexte géographique est flou, ce qui m’a agacé. En gros, c’est plusieurs Maisons qui se font la guerre et intriguent, avec une sorte de vassalité entre les Seigneurs. Mais dans le détail, ajoutez un vocabulaire non explicité (heureusement peu étendu) et je ne sais toujours pas qui sont les Hastur, qui servent le Seigneur de la Lumière et qui sont cristoforo etc etc. Une carte aussi aurait pu m’aider (il n’y en a pas dans le Pocket). Après il faut aussi dire que le point de vue pris pour le récit, celui de Romilly, explique le peu d’information : elle est restée assez isolée dans son château.
J’aurai voulu en savoir plus sur leur magie, le laran. D’où vient-il ? Comment fonctionne les Tours et les différents statuts – leronis etc ? Ce n’est pas dans ce livre que j’aurai les réponses !
Romilly est aussi une jeune fille terriblement seule, et cela suinte du livre. A part Preciosa (et encore… parfois on se demande bien ce qu’elle fait là), elle ne se fait pas d’amis, où ceux-ci lui tournent le dos dès qu’ils apprennent que c’est une fille (ouaii bravo les mecs, super sympa). Côté famille, son père la trahis, elle ne trouve aucun réconfort auprès de ses ‘stupides’ sœurs, et son frère en tiens une bonne couche lui aussi. Y’a bien que le plus jeune qui m’a été sympathique (et Caryl, personnage qui y fait écho). Bref toute cette solitude m’a été étouffante. Ce que j’aime d’habitude en Fantasy, c’est justement d’avoir une troupe d’amis autour du héros.
Je vais finir sur le don de Romilly. Je pensais que cela allait me parler : je l’avoue, j’ai IRL une relation très fusionnelle et passionnée avec les animaux, et en plus avoir un rapace fait partis de mes rêves (ce n’est pas pour rien si j’ai une poule domestique lol). Eh ben pourtant je ne me suis pas retrouvée dans son personnage et son lien avec les bêtes. Tout comme sa vrai-fausse liberté, j’ai trouvé que ça sonnait faux, ou plutôt creux. Le personnage est sincère pourtant, mais ses ‘réflexions’ manquent de maturité, et de suite logique. Par exemple, au début du livre, cela ne la dérange pas de tuer des bêtes pour ses faucons. « C’est la vie », réflexion zéro. Et à la fin oh là là, je ne peux plus manger de la viande, c’est des êtres conscients blablabla. Pourquoi, comment, elle en arrive là ? Ce n’est pas clair. Et surtout, sa réflexion ne va pas au bout : autour d’elle, elle constate le sens de la dévotion et du don de soi pour les autres, avec les guerriers, elle l’apprend aussi – et durement – avec les bêtes, et jamais elle ne fait le lien en se disant que les animaux qui nous nourrissent effectuent eux aussi ce don. Enfin elle estime que les plantes ne sont pas conscientes et que donc, elle peut s’en nourrir. Et en même temps, elle aurait ressenti la Vie en toute chose, dans le végétal autant que l’animal… Bref c’est une ouverture d’esprit que je trouve limitée, logique pour son jeune âge mais illogique au vu de ses capacités de communion avec la nature.
Alors avec tout ça qu’est ce qui reste ? Au moins, c’est bien écrit (si on excepte quelques répétitions qui m’ont écorchés les yeux), la structure est un peu aléatoire mais le tout se lit bien. Ce roman peut se lire seul, ce qui est aussi un avantage. Il est concentré sur le personnage de Romilly, une jeune fille en quête de liberté, au point d’oublier presque totalement le contexte (beaucoup trop à mon goût).
Pas mal de choses qui m’ont agacé, la condition féminine esclavagiste notamment, malgré tout cela reste un bon divertissement.
3/5
Autres critiques : Zahlya, Tequila
*medieval-fantasy