Thomas Day, la Voie du Sabre
Par pur hasard, j'ai lu ce livre récemment et qu'ais-je appris, l'auteur vient aux Intergalactiques ce week end ! L'occasion rêvé donc de chroniquer La voie du Sabre (et de le faire dédicacer).
Pour parfaire l'éducation de son fils Mikédi, le chef de guerre Nakamura Ito le confie à un rônin du nom de Miyamoto Musashi. Un samouraï de légende, le plus grand maître de sabre qu'ait connu l'Empire des quatre Poissons-Chats. Ensemble, pendant six longues aimées, le maître et l'apprenti vont arpenter la route qui mène jusqu'à la capitale Edo, où l'Impératrice-Dragon attend Mikédi pour en faire son époux.
Mais la Voie du Sabre est loin de trancher l'archipel en ligne droite : de la forteresse Nakamura aux cités flottantes de Kido, du Palais des Saveurs à la Pagode des Plaisirs, Mikédi apprendra les délices de la jouissance, les souffrances du combat, et la douceur perverse de la trahison.
Je pense que je ne surprendrais personne en disant que j'aime le Japon des samouraïs, alors reprendre le bushido à la sauce fantasy, cela étale sous mon nez de gros atouts charmeurs. J'en suis ressorti mitigée (mais je suis une lectrice exigeante j'en conviens).
Ce que j'ai aimé, c'est le fait que ce roman est un univers propre : même si on ne sait quasiment rien de l'Empire des quatre Poissons-Chats, il y a une ambiance particulière, et l'on se plait à avoir vraiment la sensation de voyager dans cet ailleurs. Un monde qui retranscrit l'ambivalence du temps des samouraï, à la fois seigneurs imbus de pouvoirs et respectueux d'un code moral très strict. Bref, un peu comme Le chemin des dieux de Jean-Philippe Depotte, on sent le Japon, un Japon qui n'est ni noir ni blanc mais un peu de tout ça à la fois, et ça c'est un grand plaisir. Bref, le livre est une réussite sur l'effet livre-univers unique.
J'ai eu plus de mal avec l'histoire et les personnages. Le récit suit une quête initiatique qui n'est pas commune, car l'élève est à chaque fois "abandonné" par un maître dont il ne sait rien, dans le seul but d'apprendre en se forgeant sa propre expérience. Mikédi, est un personnage franchement détestable : après tout cela commence mal, car son seul but est d'acquérir le pouvoir nécessaire pour être l'époux de l'Impératrice-Dragon. La brûlure du pouvoir se montrera aussi dans la façon dont il maltraite les femmes : assez bizarre d'ailleurs de voir son maître lui remettre les pendules à l'heure de façon très tranché, alors que lui-même à une passion pour les femmes plutôt particulière.
La voie du sabre sera avant tout pour le garçon la voie de l'apprentissage de la vie, notamment donc dans son rapport aux femmes. J'ai commencé à avoir du mal à suivre à partir de la Pagode des Plaisirs, qui est à peu près à la moitié du roman. Déjà, honnêtement, j'ai eu le sentiment de lire un fantasme étalé sur des pages et des pages, et pas franchement utile : alors oui, il s'y passe des choses importantes, mais j'ai trouvé ça inutilement long. A partir de là, ça passe un peu du coq-à-l'âne, et il faut dire que la narration n'aide pas : première personne, entrecoupé de contes que rapportent les courtisanes à Mikédi à propos de son maître. J'ai aussi souffert du manque de clarté sur les personnalités de Mikédi et de son maître, parfois l'ambivalence de leurs opinions devenait trop difficile à suivre. Jusqu'au final, qui donne une nouvelle lecture au récit mais reste très particulier - on aimera ou détestera.
Le récit comporte du sexe sans tabou, et des combats sanglants. Cela ajoute un plus sur l'ambiance et le ton de l'oeuvre, sans aller vraiment trop loin dans les excès (bon, une toute petite phrase gore). Sur ce dernier point, les combats sont finalement peu détaillés bien qu'intenses et pleins de conséquences. Comme souvent dans les récits typés "initiation fantasy", je râle contre le côté surhumain du héros qui parvient à avoir une maîtrise du sabre équivalente de son maître (ou presque) en un coup de cuillère à pot. Malgré tout j'ai plutôt aimé ces passages de batailles pour la façon dont cela révèle les personnages.
Je finirais sur le deuxième aspect positif de ce roman : vous l'avez compris, on a plus affaire à de la réflexion que de l'action, et La voie du sabre offre des questions/réponses et de belles morales sur la guerre, la vie, le pouvoir...
Les hommes méprisent les bêtes, ils les disent stupides, mais la plupart des animaux méritent plus de respect que la plupart des hommes (p 91)
Un jour, tu comprendras peut-être le Secret, mais ta voie sera forcément différente de la mienne. Il n'existe pas deux voies identiques en ce monde. (p118)
Il ne profite de rien celui qui possède tout. (p214)
Une vie est une vie, il n'y a pas différentes valeurs en la matière. (p 227)
Bref, voilà un récit initiatique sans concession, et pourtant ambivalent (on est très loin d'un récit classique avec des "gentils" et des "méchants"). Il est plus porté sur la sagesse du bushido que sur l'action (les batailles sont avant tout des prétextes à des débats d'idées). Je garde en tête l'image du maître dont la lame est si rapide qu'elle dessine dans les jets de sang. C'est une image qui convient bien à la poésie cruelle de ce roman dont il me reste avant tout une ambiance très particulière.
La voie du sabre est un roman atypique qui ne peut pas laisser indifférent grâce à sa "voix" unique.
3/5