L'inspiration d'un écrivain n'en fait qu'à sa tête ! Réflexions et projets !
On en parlais aux Oniriques samedi avec Luce Basseterre et Jean Rébillat (entre auteurs donc, roh c'est plaisant de dire ça), c'est bien souvent nos personnages qui nous disent où aller. Ils peuvent nous dire non, refuser ce que l'on prévoit pour eux, parce que cela ne correspond pas à leur caractère ! Bref, l'écrivain n'est pas un maître tout puissant comme le lecteur peut l'imaginer, et aujourd'hui j'ai envie de vous parler de mon expérience dans ce domaine.
Alors d'accord, on peut jouer comme des petits fous aux dieux en créant nos univers et tout ce qui le composent, mais si on veut raconter une bonne histoire, la première chose je crois qu'un auteur doit faire, c'est écouter.
Ecouter cette voix mystérieuse que la plupart nomment vaguement "inspiration". "Mais d'où l'inspiration vous vient-elle ?", demandent souvent les journalistes aux auteurs.
Je répondrais : du plus profond de nous, tout simplement. Cette part de nous que j'aime à appeler "instinct", et qui va savoir, mieux que notre cerveau, ce qui est bon ou pas. L'instinct, c'est le fruit de notre expérience, et ce de manière inconsciente aussi. C'est le savoir de tout ce qu'on a vécu, ressenti, avec tout notre être (et pas que la tête). Tout ce qu'on a pu engranger dans notre vie par notre expérience personnelle directe mais aussi ce qu'on a gardé de nos lectures et autres visionnages. Sans parler de tout ce que l'on possède inconsciemment comme mémoires, de notre famille, voire de nos vies passés (là c'est suivant les croyances de chacun. Moi j'y crois pour en avoir une expérience très forte :) )
Quand j'écris, c'est cette somme de savoirs que j'écoute, et même si je fais marcher ma tête (ça vaut mieux), j'écoute allégrement toutes ces connaissances intuitives. J'ai envie de tel lieu, telle action ? Je suis mes envies. Un ressenti d'ambiance, une image, peut ainsi "se chuchoter" à mon oreille, s'imposer à mes yeux, pour que je lui donne vie dans mon texte. Et ce personnage, qu'est ce qu'il veut raconter ? Je l'écoute et je transcris avec des mots. Je lui laisse la parole.
Un écrivain, de base, c'est donc pour moi un transcripteur, et un peu comme un sorcier qui prépare sa potion, il va ensuite gérer son mélange. Il faut réfléchir bien sûr, au dosage de ceci et cela, si les éléments sont logiques et cohérents ensemble, si tout se tient (pas de fusil de Tchekov qui reste en plan, toutes les portes ouvertes sont-elles refermées etc).
Exemple : l'autre jour j'écrivais une description d'un personnage, et j'ai eu une aventure marrante alors que mon perso prenait forme dans ma tête au fur et à mesure que j'écrivais (je ne suis pas un écrivain architecte qui possède les CV de ses personnages d'avance*).
Première phrase, je dis qu'il est appuyé sur ses coudes, le menton posé sur ses mains. Puis, tiens, je lui met une cicatrice sur le visage. On est quelques phrases plus loin depuis qu'il est posé sur ses coudes, et je réfléchis à la profondeur de sa cicatrice : au départ je me dit sur l'arcade sourcilière. Bon, classique quoi. Mais c'est une blessure de guerre. Ok, je décide que la cicatrice lui barre tout le côté gauche du visage, et qu'il a un oeil en moins. Sauf que je visualise (de manière automatique, presque imposé, ce n'est pas vraiment un procédé conscient) quand il s'est pris cette blessure, en l'occurrence une bataille avec un ennemi alien surpuissant. J'imagine la force du coup, et j'estime que ce n'est pas assez pour rendre la violence de la bataille et du fait qu'il a eut la chance de s'en sortir : résultat, je dis que la cicatrice court aussi le long de son bras, et qu'il a une main en moins. Ok. Et là je pique un fou rire. Dans ma tête, mon personnage s'était dessiné, coup de crayon après coup de crayon, il m'apparaissait bien avec sa très grande cicatrice donc, et ses membres en moins. Sauf qu'il ne pouvait plus avoir son menton appuyé sur ses mains comme je l'avais dit au début ! Donc là mon cerveau est venu me dire : "ok, cool ta description, mais faudrait reprendre la première phrase car ce n'est plus logique."
Tout ça pour dire qu'un cerveau s'est quand même utile pour écrire, et qu'il s'agit de coopération entre l'esprit et le ressenti, pas d'opposition ou de "switch" entre l'un et l'autre !
L'amitié entre Kirk et Spock en est un fascinant exemple. Deux opposés qui rendent le meilleur d'eux-même ensemble (alors que l'un sans l'autre c'est la catastrophe, voir le Star Trek de 2009) (d'ailleurs Kirk incarne l'impulsivité émotionelle, tandis que le vulcain vénère la logique -là je simplifie bien sûr)
Alors certes, l'écrivain reste maître de décider d'écouter ou non ce que son instinct lui dit. Par exemple il peut très bien décider que son personnage ira se geler les fesses en Antarctique même si celui-ci refuse (et on le comprend). Mais aller contre le caractère de son personnage, c'est au mieux, s'en sortir avec une excuse bidon pour justifier son comportement illogique (il était terrifié par le froid à cause d'une expérience traumatisante, mais il a décidé de dépassé cela), au pire, faire dire au lecteur "c'est illogique qu'il aille en Antactique avec son trauma, ça ne marche pas !" et faire "sortir" le lecteur du récit. Les exemples de ce genre d'incohérences sont plus que nombreuses dans les séries TV et les films (je suis la première à les relever) !
Bref, pour moi écrire relève autant de la réflexion que de l'intuition, et il est primordial d'allier le tout pour que ça donne un récit à la fois bien construit et vivant. Oserais-je même dire que je trouve le côté sensible et vivant d'un texte primordial sur le reste ? Je pense qu'une lecteur peut pardonner une invraisemblance d'autant plus que l'auteur aura sû le faire vibrer et rêver.
Je crois profondément que l'auteur doit écouter son instinct envers et contre tout, et que le brimer c'est tuer sa créativité. Se forcer à écrire, très peu pour moi. Je n'écris que quand j'ai envie (sauf si je suis pressée par le temps, parce que la deadline d'un appel à texte approche par exemple) et surtout ce que j'ai envie. Alors parfois j'hésite, je doute, et je ne dis pas que le processus est simple. Le fait d'entendre à la conférence Pierre Bordage (dois-je présenter cette célébrité qui est l'une des plus grosse vente francophone SFFF ?) et Danielle Martinigol (qui a écrit plus de quarante romans !), dire qu'eux aussi doutent de ce qu'ils écrivent, se demandent où ils vont, ben ça me rassure. ça fait quelque part partis du métier d'écrivain je suppose, tant que ça reste un doute raisonnable.
Pour tout dire, j'ai un mal fou à finir mon premier roman, une saga de fantasy qui me tient (trop ?) à coeur, dont le premier jet m'a pris hum, trois ans, et sur lequel je patauge pour le rendre présentable pour l'édition. Et là "c'est le métier qui rentre", je suis entrain de comprendre que je dois accepter que écrire prend du temps, un temps fou. ça sert à rien de me dire que je veux le finir le plus vite possible, comme le rappelais Escroc-Griffe il y a besoin d'un temps de maturation. Je me sens pas maître tout puissant sur ce projet, vous voyez ? C'est un peu 'notre outil' qui décide pour nous. J'ai voulu me forcer à m'y atteler, j'ai même pris la résolution de me donner un an pour le finir afin de me motiver. Raté. Je comprends maintenant qu'écrire toutes ces nouvelles récemment pour les AT, avec des contraintes de temps, m'a énormément appris à me "lâcher" tout en retravaillant pour avoir un texte éditable. Ce n'était pas un détour, mais un moyen très efficace de gagner de l'xp (en plus de me faire plaisir). Et, lors de ma dernière nouvelle, traitant d'une voyage dans le temps au Japon, il s'est passé un truc, une prise de conscience.
* le ton important pour faire une annonce*
J'ai eu l'envie d'écrire un nouveau roman dans le même univers, et pour être exact, cela s'est marié avec des idées et envies récentes de guerre futuriste et d'aliens (idées que je notes au fur à et mesure dans un petit carnet). Et là, ça a fait tilt. J'avais l'inspiration, l'envie, et donc la motivation, pour écrire ce nouveau roman. Alors que je suis inquiète à l'idée de reprendre mon roman fantasy, je n'ai que de la joie pour ce nouveau projet, une joie et un plaisir que j'avais presque oublié ! Donc je me suis lancée, et j'ai pris mon pied !
Je vous annonce donc que je travaille sur un futur roman uchronique, se déroulant à la fois dans le Japon de l'époque de troubles du Bakumatsu (1864 et des brouettes), et dans un futur où l'humanité est confronté à une guerre de la dernière chance contre des aliens.
(oui ça vaut bien une taille de police plus grande) (et voilà comment, quand on est relié à son inspiration, j'arrive à vous donner un pitch en deux secondes, alors que je n'arrive pas à en faire un pour ma saga fantasy !)
Je n'oublie pas pour autant ma saga de fantasy, parce que je veux vous faire partager toutes les leçons de vie qu'elle contient, mais je crois que je vais alterner les deux, et surtout, me donner le temps ! Me donner le temps et la liberté d'écrire quand je le souhaite, d'écouter mon instinct, parce que me forcer, c'est simple, c'est aller contre ma nature d'auteur, ça me stresse et ça ne fonctionne pas. Bref j'apprends à lâcher prise et à faire totalement confiance à cet instinct.
En un mot : l'inspiration d'un écrivain n'en fait qu'à sa tête (en tout cas pour moi) et c'est en l'écoutant que je suis heureuse !
*Je suis un écrivain "jardinier" qui écrit au fur et à mesure sans plans pré-établis. Nous, espèce sus-nommé "écrivain", on est plutôt l'un ou l'autre, avec bien sûr des nuances ; par exemple j'ai quand même le fil rouge de mon histoire en gros dans ma tête (et au besoin je prends des notes).