Interview des auteurs gagnants du Prix Mille Saisons 2016 et 2017 : Philippe Aurèle Leroux et Arnaud Gabriel nous disent tout ! (deuxième partie)

Publié le par Lael

Après la première partie l'autre jour, continuons l'exploration du Prix Mille Saisons, des univers des auteurs gagnants et leurs écritures !

Philippe en dédicaces au Salon du Livre

Philippe en dédicaces au Salon du Livre

M : Avez-vous des gens autour de vous qui vous ont aidés ? Vous êtes vous fait relire par exemple ? Combien de temps cela vous as pris ?

P : Si j'exclue le temps passé à développer ma trame, j'ai mis 7 mois à écrire mon roman. J'étais entouré de 5 bêta-lecteurs qui m'ont beaucoup apporté et que je remercie dans mon ouvrage : Florent, 40 ans, un cousin gros lecteur de l'imaginaire (mais pas que) et surtout critique impitoyable ; Marie, (petite trentaine), alias "Madame_Love", blogueuse littéraire, Brice Milan, 50 ans, auteur SFFF, Sébastien, 40 ans, autre auteur SFFF et enfin Mathilde, une ado, grande lectrice de l'imaginaire. La parité et la diversité d'âge de mes bêta-lecteurs étaient très important pour moi car j'ai tenu à "féminiser" mon histoire : il me fallait donc avoir des points de vue féminins sur le sujet. J'ai testé certains passages de mon roman sur mes bêta-lecteurs pour savoir jusqu'où je pouvais aller.

A : Pour cette nouvelle, j'y suis vraiment allé tranquille, sans aide, sans relecture. Je n'avais jamais participé à un appel à textes et j'ai vu ça comme un exercice avant tout. Je me souviens que je l'ai écrite en août, pendant mes vacances, en 3 semaines. J'avais déjà fait beaucoup de recherches sur le chamanisme tibétain avant donc je n'avais qu'à rédiger une histoire !

P : Concernant ma nouvelle "Atrium Miraculorum", je crois que le plus long a encore été de déterminer dans quel univers je la plaçais. Originellement, mon roman devait être un pur roman d'Heroïc Fantasy, centré sur un seul personnage, Gurnt. Quand l'AT est tombé, je me suis dit qu'avec ce thème (La Cour des Miracles), j'allais me retrouver en compétition avec tout un tas de nouvelles de pure Fantasy ou au mieux de cape et d'épée et que j'allais avoir du mal à me sortir du lot. C'est là que j'ai commencé à réfléchir à changer de cadre. Comme j'aime l'Histoire, j'ai alors cherché un cadre historique compatible à la fois pour ma nouvelle et pour mon roman. Après il m'a certainement fallu 3 semaines pour l’écrire, comme Arnaud. J'ai fait appel à quelques relecteurs pour vérifier la cohérence, l'orthographe et la syntaxe.

M : Avez-vous douté de votre histoire, au point de la réécrire ?

A : Sur mon travail, je suis d'une équanimité la plus ennuyeuse. Je ne pense jamais que ce que je fais est complètement médiocre et je ne pense jamais que ce que je fais est satisfaisant. Je suis toujours dans le :"Mouais...job done".

P : Je n'ai pas trop de doutes sur ce que j'écris. Le pire qui puisse m'arriver est de ne pas aimer me relire, mais je sais qu'en retravaillant le texte, je dois parvenir à quelque chose de correct. Mon stage d'écriture romanesque m'a beaucoup aidé en cela. Avant, j'avais beaucoup plus de doutes.

M : Avez vous rencontrés des lecteurs ? quel a été votre ressenti, les échanges que vous avez pu avoir eux ?

A : En dehors des habituels festivals et salons, j'ai pratiqué le colportage, surtout à l'université de Caen et à la Cité Universitaire. J'ai donc rencontré beaucoup de mes lecteurs. Des étudiants revenaient vers moi ensuite, quelques semaines ou mois après, pour parler. J'ai pu avoir des échanges sur des sujets variés et beaucoup de conseils de lecture. J'ai même eu la chance de rencontrer des étudiants tibétains ! J'ai souvent posé la question aussi "et toi, est-ce que tu écris ?" et j'ai donc régulièrement essayé de transmettre un peu d'audace à ceux qui n'osent pas.

P : Oui, j'ai eu la chance de pouvoir rencontrer, ou échanger par email, avec pas mal d'entre eux. Dans l'ensemble ma nouvelle a été bien reçue, mais ces échanges m'ont permis de comprendre plusieurs choses, qui ont influencé l'écriture de mon roman :
1. les notes de bas de page, c'est mal ! Ce n'est surtout pas la bonne façon de gérer un lexique. Du coup, pas de notes de bas de page dans mon roman, mais un index alphabétique, sans renvoi dans le texte.
2. Ma nouvelle manquait de feminité. Dans la littérature de l'imaginaire, notre lectorat est très souvent jeune (12-25 ans) et féminin : du coup, pour qu’une majorité de mon public puisse s'identifier plus facilement, un personnage féminin s’avérait incontournable ; c'est quelque chose auquel je n'avais pas réfléchi auparavant. La conséquence, c’est qu’un des héros auquel j'avais pensé a changé de sexe !
3. On m'a souvent dit, voire reproché, que ma nouvelle était dure : pour le coup, je n'ai pas pris en compte ce retour car je suis partisan de récits réalistes, sans guimauve. Ce monde est dur et celui de l'antiquité plus encore.

Interview des auteurs gagnants du Prix Mille Saisons 2016 et 2017 : Philippe Aurèle Leroux et Arnaud Gabriel nous disent tout ! (deuxième partie)Interview des auteurs gagnants du Prix Mille Saisons 2016 et 2017 : Philippe Aurèle Leroux et Arnaud Gabriel nous disent tout ! (deuxième partie)

M : Voilà une bonne transition involontaire : Phil, de quoi parles ton roman "L'empire des Chimères" ?

P : Il s'agit d'un roman de high fantasy historique qui a pour cadre l'Empire Romain de Commode (le méchant de Gladiator) en 192 ap. JC. L'empire bascule dans le déclin : c'est dans un monde rude, parfois cruel, que vit Briana, fille cadette d'un haut dignitaire de l'Empire. Sa passion pour les étoiles va la sortir du cocon familial et lui faire vivre une aventure qui va tremper son âme et ouvrir son cœur. Son destin croisera celui de Gurnt, une créature hybride toute droit sortie des légendes qui courent sur les dieux et dont le sang sauvage le ronge ; et celui de Decimus, vétéran de la légion romaine, à qui on a donné l'ordre d'empêcher Briana d'atteindre son objectif.

M : Comment t'es venu l'idée de cet univers, et notamment de l'aspect fantasy ?

P : Au départ, tout vient d'un personnage de Jeux de Rôles, appelé à l'origine Grunt, un guerrier barbare AD&D2. Au fur et à mesure de son évolution je lui ai construit un passé, puis une vie propre au travers de récits. Tout cela date d'il y a plus de 20 ans ! Le personnage a tellement évolué qu'il est devenu cette chimère, mi-homme, mi-félin. Dans mon idée, mon roman était donc une aventure d'héroïc fantasy avec Grunt en personnage central, une sorte de Conan à la sauce lion (ou plutôt tigre sibérien à l'époque). Mais en vieillissant et en ressortant mon projet de son placard, le scénario a évolué, notamment grâce à George R. R. Martin (l'auteur du Trône de Fer) et à sa narration à plusieurs voix : j'ai voulu écrire un peu comme lui, avec des narrateurs différents et Grunt est devenu moins omniprésent.

Pour la petite histoire "Grunt" veut dire "Bidasse" ou "fantassin " en anglais, tandis que Briana est un anagramme de "Brain" (cerveau, en anglais) suivi du suffixe "-a" pour le féminiser.

M: Arnaud, toi aussi tu mélanges un aspect fantastique, presque de fantasy, au chamanisme. Quelle envie t'a poussé à écrire cette nouvelle ? Et maintenant, de quoi va parler le roman qui en sera issu ?

A : Mon intérêt pour le chamanisme vient d'une volonté de retourner aux sources de la spiritualité. A quel moment et pourquoi sommes-nous devenus des êtres portés par une spiritualité ? C'est cela que je souhaite comprendre, sous forme d'étude, d'histoire et également de pratique personnelle.

Mon roman va se dérouler dans l'ouest tibétain, vers 800 avant J.C. Un millier de soldats du petit état de Shu envahit la région de Zhang-Zhung afin d'en piller les trésors et les secrets: La métallurgie, la médecine, l'agriculture, le dressage ... 12 personnes, simples villageois, chamanes, enfants… vont démontrer des qualités héroïques et tenter de résister à la violence et à la folle cupidité des envahisseurs.

M : J’ai ouï-dire que tu avais déjà écris ton roman en fait, et que t’attends juste de le sortir du chapeau ?

A Il est effectivement écrit mais à présent je vais utiliser le temps que j'ai pour le réécrire complètement ! Il y a plusieurs raisons à cela... Déjà, je vais prendre en compte les remarques qui m'ont été faites sur la nouvelle. Le roman ne sera pas écrit comme un étudiant qui traite un sujet mais comme un auteur de fantasy. Ensuite, je souhaite ardemment un dialogue à 3 avec le compositeur et l'illustratrice. Et enfin, ma compréhension du chamanisme a changé.

M : On ne peut pas parler du Prix Mille Saisons sans parler de l'aspect "réalité augmentée" de l'anthologie. L'année dernière Phil, tu as gagné en compagnie d'Héloïse Goude l'illustratrice, elle aussi choisie par les votes des lecteurs. Cette année, il y a aussi une illustratrice plébiscitée par le public, Anaïs Eustache, et un compositeur, Nicolas Felix. Les romans issus du Prix sont et seront donc eux aussi "à réalité augmentée". Est ce que c'est un aspect qui vous plait, pour le résultat et sur le fait de ne pas être seul face à ce projet ? Quels rapports avez-vous avec vos partenaires ? Est ce que cela impacte l'écriture de votre roman ?

A : C'est très enthousiasmant de faire se croiser nos disciplines. Dès le début j'ai souhaité que nous puissions être à égalité, c'est à dire qu'il n'y ait pas le texte d'un côté et "agrémenté" de musique et d'illustrations; mais que texte, musique et illustrations soient au même degré de considération. Avec Nicolas et Anaïs, nous avons une page Facebook à nous sur laquelle nous faisons connaissance, développons nos outils et échangeons nos idées. Cela impacte effectivement l'écriture ou plutôt la réécriture car je suis partant sur l'idée que le texte pourra être modifié pour se mettre au service des illustrations et des musiques

P : Pour ce qui me concerne, ça n'a pas été le cas : d'une part il n'était pas vraiment question pour moi de "réalité augmentée", mais "simplement" d'illustration. Ensuite je dirais qu'il n'a pas été facile de travailler avec Héloïse par manque d'organisation et de manque de répartition de rôles précis. En phase d'écriture de mon roman, j'ai été très peu disponible et lorsque je suis devenu disponible, c'est Olivier qui ne l'était plus pour cause de sélection des nouvelles de la future anthologie "Tombé les voiles". Bref, Héloïse a été laissée très seule trop longtemps.

Les gagnants du Prix Mille Saisons 2017 : Arnaud Gabriel l'auteur, Nicolas Felix le compositeur, et Anais Eustache l'illustratrice

Les gagnants du Prix Mille Saisons 2017 : Arnaud Gabriel l'auteur, Nicolas Felix le compositeur, et Anais Eustache l'illustratrice

Retrouvez la troisième et dernière partie de l'interview ce week end !

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