La trilogie du "vieil homme et la guerre" de John Scalzi
Même en habitant à l'autre bout de la galaxie vous avez sans doute entendu parler de ce livre qui est un grand hit de ces dix derniers années (ou à défaut, c'est chose faite désormais). Bon, techniquement cela fait douze ans, la première édition française datant de 2005, mais ne chipotons pas. Ce livre donc, est un page-turner à la sauce Starship Trooper que l'on doit à l'américain John Scalzi, qui a remporté un prix pour cette œuvre (ainsi que pour le drôlissime Redshirts parodiant Star Trek, comme quoi le bonhomme a plus d'un atout dans sa manche). Car on ne peut pas vraiment dire que la saga est drôle, ici, bien qu'elle soit relevé de légères touches d'humour noir.
Dans ce premier tome nous suivons les aventures d'un homme qui s'engage dans une guerre spatiale dont il ne connait rien, car la Terre a été sciemment isolé du reste de l'univers et des aliens qui l'habitent. Pourquoi diantre s'engage t-il alors ? Pour retrouver une seconde vie. Car l'engagement se fait à un âge très particulier, comme nous l'annonce la première phrase :
C'est sur ce pitch intriguant que démarre le bouquin. Le livre se découpe alors en deux partie : tout d'abord, nous suivons John Perry et les compagnons de routes qu'il rencontre, étrange bande de vieillards se demandant se qu'ils foutent bien là, dans un vaisseau les emmenant hors de la Terre sans retour possible, et surtout, comment l'Union Coloniale peut permettre à leur corps usées de servir à quelque chose. L'armée, à leur âge ? ça les fait doucement rire. Ils veulent surtout ne pas mourir, et en prime, profiter d'un tour tout frais payé dans l'espace. Mais que se cache t-il derrière cet engagement étrange ?
Toute cette première partie, je l'ai dévorée avec plaisir. On a vraiment l'impression d'être avec John, de ne pas savoir quel est l'engrenage dans lequel il a mis le doigt, appâté par la promesse d'une seconde vie, sans savoir quels en serait les conséquences. Cette partie est axé sur l'intrigue de la découverte de ce qu'il se passe au delà de la Terre, ou plutôt, de ce qu'on veut bien leur dire. Car on ne leur dit rien en fait. Cela donne une bonne intrigue, et son aventure donne l'impression d'une croisière tranquille.
Et puis tout nous tombe sur la figure en même temps que lui, et la deuxième partie est radialement différente. Il croit comprendre brusquement dans quel merdier il est, et c'est l'armée quoi, avec tout son enrôlement pour en faire des machines à tuer. Il découvre un univers hostile, où les aliens, plus bizarres les uns que les autres, veulent tous la peau de l'humanité. De missions sordides à d'autres encore plus, il est là pour survivre avant tout, et si possible, accomplir sa mission : défendre les colonies humaines des autres aliens, quitte à ce que ce soit des "frappes préventives"...
Bref, autant dire que là le livre possède un creux qui a faillit me faire lâcher : nous seulement il n'y a plus d'intrigue car on a découvert comment il a rajeunit, mais on entre dans un univers de space op' assez noir qui n'a rien du tout de l'utopie tranquille de Star Trek. Il n'y a pas de place à la diplomatie, mais juste à la loi du plus fort, pas de place pour la morale, juste la survie ; dans une compétition entre espèces pour les mêmes planètes, dans des guerres sans vraiment de sens, et en un mot, dans des "luttes coloniales" à l'image sans doute de ce qu'à connu notre planète.
J'ai alors passé mon temps à me demander si Scalzi voulait dénoncer les guerres ou était pro-militariste : difficile parfois, de déterminer à quelle degré lire un récit axé militaire. Ici, on a plutôt les réactions très personnelles du héros, exaspéré des missions qu'on lui fait faire, mais il ne réfléchis guère sur l’éthique ou le fond, il ne pense pas une fois à désobéir, c'est juste de la survie (Bien que les tomes suivants fassent comprendre plus clairement que John est ici endoctriné, le flou reste assez maintenu : au final il n'est pas vraiment remis en question le fait que l'univers est agressif avec l'humanité -et donc qu'elle s'en défende, mais plutôt le pourquoi, et surtout, ce sont les manipulations de l'Union coloniale qui sont dénoncés, nos personnages restent dans une volonté de survivre envers et contre tout.)
Bien que j'ai fortement apprécié les réflexions qu'il amenait parfois sur le sens de l'humain, j'ai faillit abandonner, mais après discussion avec une amie FB, elle m'a remotivée a continuer, et tant mieux : le final réserve beaucoup de surprise !
Conclusion sur ce tome 1 : une première partie délicieuse, puis un gros passage à vide manquant de but, avec un univers dépeint si hostile qu'il en est déprimant. Le personnage, d'ailleurs, ne m'a pas attiré la sympathie par son manque de réaction face au lavage de cerveau que l'armée lui fait subir. Heureusement le final apporte beaucoup de nouveautés et de surprises qui promettent, sans parler du plaisir des technologies et des comportements aliens (si loin de l'humain) créés par l'auteur, et des réflexions qui émaillent le texte de petit plaisir qu'on aurait tord de bouder. Il s'agit de plus d'un page-turner qui a réussis l'exploit de me réconcilier enfin avec une lecture dévorante et passionnée (ça faisait quand même des années que j'étais dans un passage à vide, et là j'ai lu les trois tomes en un mois) ! 3/5
J'ai enchaîné avec ce tome 2, et le début m'a profondément déstabilisé : je n'ai rien compris au premier chapitre (qui faisait pourtant le parti prix d'un point de vue audacieux), et sans repères, une nouvelle intrigue commence. Car en fait, si il y a un personnage important fait lien avec le premier tome, non seulement les années ont passés et John n'intervient plus, mais est mis en avant un nouveau personnage principal, Jared. On se retrouve projeté dans un complot qui pourrait anéantir l'humanité ! Je peux difficilement en dire plus sans dévoiler l'intrigue, mais ce tome est assez surprenant : bien que dans la continuité de l'univers du premier, avec là encore une vie de militaire et ce que cela implique, il m'a parut à décalé du reste. Pourtant, il était essentiel de découvrir de l'intérieur ces brigades fantômes et toute l'intrigue développée aura un impact plus que majeur sur la saga (qui nous fait réaliser que le premier tome n'était que de la mise en bouche).
J'ai préféré ce tome au premier pour la richesse de son univers, et sur toutes les réflexions autour de la conscience qui est assurément le thème dominant (bien que je n'ai pas tout compris au point de vue développée par l'auteur). De plus on a le droit à une intrigue rondement menée, sans temps mort, avec beaucoup d'action qui a cette fois plus de sens que dans le premier tome. Les enjeux sont clairs, où tout du moins le paraisse : car dans cette saga, bien des choses sont illusions... Et si j'ai eut du mal avec des missions un peu hardcore, car ce sont des soldats qui font " le sale boulot " et se placent ici dans "la fin justifie les moyens", autant dire que ce tome a été poignant, je n’oublierais pas la détresse de cette mère alien, ni le final, une apothéose. Jared a été un personnage d'une grande richesse à suivre, et qui vient enfin donner un autre point de vue sur ce qui se passe dans l'univers et du rapport entre humain et aliens, remettre en cause ce qu'on lui a enseigné et chercher sa propre marche à suivre. Je l'ai largement préféré à John !
Conclusion sur ce tome 2 : une grande richesse d'univers, et de réflexions (trop ?), une intrigue palpitante et rondement mené, un personnage principal attachant, des moments durs mais émouvants... Tout un tas d'éléments viennent relever le niveau et ouvrir encore plus loin l'univers de la série. Bref, le coeur de la saga, l'un de mes tomes préférés et qui s'est laissé dévoré en quelques jours ! 4,5/5
Encore une fois le début a été déstabilisant, car on revient à la narration à la première personne et à John. C'est là que j'ai réalisé que le tome 2 était narré à la troisième personne ! (allez savoir pourquoi, de passer du "Je" du premier tome au "Il" du deuxième ne m'a pas choquée, mais l'inverse si !)
Là encore on a fait un saut de quelques années, bref, la donne a passablement changée. Sans spoiler, on retrouve nos personnages dans une situation nouvelle, comme décrite à la fin du deuxième tome. Enfin une vie paisible ! Le début est très agréable, bien qu'un poil long, et je me suis amusée de cette nouvelle situation. Et puis les choses s'accélèrent vite et une grosse tension se met en place. Encore des secrets, et un John coincé dans un engrenage dont il ignore tout ! Ce troisième tome se centre sur la création d'une nouvelle colonie et de ce que ça implique vis à vis de l'Union Coloniale et des autres espèces... Il ouvre, enfin, sur une réflexion plus globale de l’échiquier politique.
Ce fut très appréciable de découvrir une autre facette de la saga avec cette fois la vie des colons, et j'ai aimé les nouveaux seconds rôles (la secrétaire !) et l'intrigue, équilibrée et passionnante.
Conclusion T3 : pas grand chose dire sur ce troisième tome qui s'est lu tout seul ! Très bon tome de la saga qui conclu très bien cette trilogie en ouvrant encore plus sur un autre niveau, plus politique, mais plus humain aussi. 4/5
Alors pour être exacte, la trilogie continue ! Le tome 4 reprend le tome précédent d'un autre point de vue (plus jeunesse apparemment), le tome 5 est un recueil de nouvelles faisant suite au grand final, et le tome 6, sortis en février de cette année, (encore avec des nouvelles) s'achève visiblement sur une méga conclusion. Mais on peut s'arrêter sans problème avec "la dernière colonie" sans rester sur sa faim !
Les six tomes sont disponibles chez L'Atalante, et les deux premiers en poche chez Milady (Bragelonne) (le deuxième étant sorti en mars de cette année, on peut imaginer avoir la suite en poche relativement rapidement).
En résumé, cette série est extrêmement agréable à lire par son écriture fluide et son suspens qui fait tourner les pages, ponctuée d'émotions, de réflexions... Je loue la construction de la saga qui nous fait découvrir petit à petit, plan après plan, vérité sous vérité, du millefeuille de l'univers. Il y a une vrai volonté que de faire plus qu'un divertissement, on nous parles ici de la façon dont notre vision du monde peut être manipulée et influencée (sans parler des thématiques de l'humain, de la conscience). Ce que j'ai beaucoup aimé, au niveau de la construction de la saga, c'est de voir comment la première phrase du premier tome est primordiale : elle donne des éléments clés auquel l'auteur reviendra dans son intrigue et ses conclusions (et la boucle est bouclée).
En bémol, l'univers dépeint manque de descriptions d'aliens : pour la plupart on ne sait que leurs noms ! C'est d'autant plus étrange que l'équilibre est très bon entre descriptions et dialogues. Bémol aussi, les personnages sont peu attachants, sauf Jared, et certains un peu sur le troisième volume.
Je regrette surtout que cet univers soit aussi pessimiste et montre une humanité très peu évolué dans sa mentalité, et qui continue à faire les mêmes erreurs siècles après siècles (vous allez me dire, c'est un peu le cas déjà, mais moi je suis une optimiste !).
Donc moi je retourne voir un Star Trek pour me replonger dans un futur plus positif !