L'univers de mon roman uchronique "Makoto" : le Japon du Bakumatsu (1853 à 1868)
Alors que j'arrive au bout de l'écriture du premier jet, j'ai envie de vous parler plus longuement de l'univers dans lequel je baigne depuis quelques années déjà (depuis 2017 - eh oui ça peut être long d'écrire un roman). A noter que le projet étant en cours, il peut être susceptible de changements.
Mon récit se déroule dans un Japon uchronique, c'est-à-dire une revisitation de l'Histoire. Ma version alternative est très proche des faits historiques (car mon point de divergence est peu éloigné). Je vais vous inviter au Japon de 1860.
Voici une présentation de la période historique :
Entre 1853 et 1868, le Japon vit une période particulière que l'on nomme Bakumatsu. C'est une période charnière de l'histoire du pays : après des siècles d'isolationnisme, le Japon (re)découvre les étrangers avec les navires américains du Commodore Perry. Ce n'était pas tout à fait la première tentative occidentale de demander un traité commercial avec le Japon, mais jusqu'à présent les Japonais parvenaient à refuser et renvoyer les navires (seuls les Hollandais avaient droit au commerce et dans une zone portuaire limitée). Cette fois, la flotte de Perry est composée de bateaux qui crachent de la fumée noire par leurs longues cheminées, avec de grandes roues à aubes et des rangées de canons. Les Japonais, très impressionnés, les nommèrent les "bateaux noirs". Le Japon en était encore à un système féodal moyenâgeux avec un équipement militaire basé sur les armes blanches. C'est le choc des cultures.
Le gouvernement Japonais, le bakufu, est ébranlé. Après avoir essuyé des refus polis, Perry s'agace et fait une démonstration d'artillerie dans la baie d'Edo : devant la menace que les Américains utilisent la force pour se faire entendre, les Japonais sont forcés à s'asseoir à la table des négociations. En 1854, la convention de Kanagawa est signée. Même si le bakufu traine des pieds, il cédera petit à petit face aux demandes des étrangers et signera des accords commerciaux. Avec les États-Unis puis l'Angleterre, la France et la Russie. En 1859, les ports de Yokohama, Harodate et Nagasaki s'ouvrent au commerce et à l'installation des étrangers. Les Japonais ne veulent tellement pas d'Occidentaux chez eux que ceux-ci ont leurs propres petites villes portuaires ! Pensez qu'avant, la majorité des naufragés étrangers étaient tout simplement exécutés.
L'arrivée des Occidentaux va déclencher une crise politique et sociétale sans précédent. Le pouvoir du Japon a toujours été réparti entre deux dirigeants : le Shogun, qui est avant tout une sorte de chef militaire, et l'Empereur, qui est le gardien des traditions. Nous sommes à la fin du Shogunat des Tokugawa. Les derniers shogun sont faibles et jeunes, laissant le pouvoir effectif dans les mains de la cour avec le Conseil des daimyos (=gouverneurs des provinces), et principalement du tairo (=premier ministre, ou grand ancien) Li Naosuke. Ce dernier va se passer de l'accord de l'Empereur pour signer les accords avec les étrangers : une mauvaise idée qui va rajouter de l’huile sur le feu. L'Empereur, comme beaucoup de Japonais d'alors, est anti-étrangers. Les étrangers sont des "barbares" qu'il faut expulser du pays. En 1863 l'Empereur donnera carrément l'ordre "d'expulser les barbares". Le Japon est alors divisé en plusieurs clans : le clan de Choshû obéira à l'Empereur en attaquant les navires étrangers qui passent au larges de Shimonoseki. Un an plus tard, une coalition occidentale viendra bombarder la ville en représailles. Les Japonais vont alors comprendre qu'ils ne peuvent rien militairement contre les étrangers, et la grogne va se déporter sur le bakufu.
Remontons brièvement dans le temps : lors de l'arrivée des "bateaux noirs" de Perry, un jeune samouraï du domaine de Choshû, Yoshida Shôin, va avoir assez de curiosité pour tenter de monter à bord ! Après avoir été arrêté, et purgé une peine de prison, il ouvrit une école où il enseigna le "Sonno Joi" (="vénérez l'empereur, expulsez les barbares"). Shôin pensait que le shogunat était incapable de tenir tête aux étrangers, et que seul l'Empereur, parce qu'il était au dessus des clans, pouvait allier toutes les forces japonaises. Ses élèves furent pour le moins studieux. Ils mirent tout cela en pratique : ainsi naquit les Ishin Shishi de Chôshû. Ces rebelles au gouvernement n'hésitaient pas à recourir au terrorisme et à l'assassinat (qu'il soit politique, de commerçants étrangers, ou de sympathisants Japonais en faveur des étrangers). Il y eut d'autres Ishin Shishi issus d'autres clans, principalement de Mito et de Satsuma, mais c'est Chôshû qui était le plus actif. Chôshû paya aussi la note la plus salée, avec deux expéditions punitives de l'armée du bakufu contre le clan !
A Kyoto, les Shinsengumi jouaient au chat et à la souris avec les Ishin Shishi. Fondé pour rassembler les rônins de la ville afin de maintenir l'ordre dans Kyoto, le Shinsengumi marqua l'Histoire. Entre autre par une arrestation audacieuse à l'auberge Ikedaya, alors que des Ishin Shishi conspiraient pour mettre le feu à la ville.
En 1866, une alliance (qui était plus un pacte de non-agression) entre Chôshû et Satsuma, changea l'équilibre des forces. Avec les pressions politiques adéquates, le Shogun finit par être destitué. Mais le clan de Satsuma se méfiait trop du Shogun pour le laisser en vie : il provoqua un incident pour déclencher les hostilités. La guerre civile larvée depuis le début devint ouverte : c'est la guerre de Boshin. La première bataille eut lieu à Toba et Fushimi, en 1868, opposant d'un coté l'armée du shogun (des domaines Tokugawa et d'Aizu principalement, avec le Shinsengumi) et de l'autre Satsuma et Choshû. L'armée gouvernementale était bien plus nombreuse, mais comme lors de la deuxième expédition punitive à Choshû, elle perdit face à une armée révolutionnaire bien moins nombreuse mais équipée d'armes à feu occidentales. Tout le paradoxe étant que même s'ils étaient anti-étrangers à la base, les révolutionnaires avaient compris qu'ils avaient tout intérêt à apprendre des Occidentaux (en équipement mais aussi en tactique militaire).
L'armée du shogun dut se retrancher au Nord, puis à Aizu, où elle dut fuir encore, essuyant défaite sur défaite. La dernière poche de résistance se retrouva sur l'île d'Hokkaido, protégés par un hiver glacial et enneigé, où fut promulguée l'éphémère République d'Ezo. En 1869, les dernières batailles ont raison des derniers survivants, et l'Empereur dirige tout le Japon. S'ouvre alors une ère nouvelle, l'ère Meji, qui va changer le Japon à jamais en voyant la fin des classes sociales, la modernisation sur tout les plans, et l'interdiction de port du sabre, reléguant les samouraïs au passé.
Et voilà pour cette explication sur cette période qui me fascine ! En quelques dizaines d'années seulement, le Japon va sortir de son moyen-âge et rejoindre les pays modernes, et ce grâce à des idéalistes et révolutionnaires anti-étrangers qui voulaient changer leur pays en profondeur. Je trouve ça complètement dingue. En plus le Japon est devenu aujourd'hui un leader en nouvelle technologie. Alors j'ai résumé hein, c'est une période très complexe, mais je trouve ça vraiment fascinant, pas vous ?
J'ai déjà écrit une nouvelle se passant à cette époque, "dilemme" que vous pouvez trouver dans Gandahar n°9 spécial paradoxes temporels (plus d'infos là sur l'envers du décor)
Note : Beaucoup d'animes s'inspirent de la période. Vous en trouverez plusieurs sur mon blog, les voici du plus n'importe quoi au plus respectueux : Bakumatsu Rock / Gintama / Peacemaker kurogane / Bakumatsu irohanihoheto / Hakuouki et le drama Jin.
(Pour rigoler : il y a même un film d'horreur bien kitsch nommé "Shinsengumi of the dead" sorti en 2015)
Ps : ma source principale que je vous conseille c'est "Le japon face au monde extérieur" de Pierre Sevaistre. Il consacre trois chapitres au Bakumatsu.