Au ciné : le nom des gens
De Michel Leclerc
Avec Jacques Gamblin, Sara Forestier
Comédie 'politique' (j'insiste sur les guillemets, y'a rien de propagandiste)
Sortie : cette semaine (hier)
Bahia est une jeune femme extravertie qui déteste les fachos et les mets dans son lit pour les convaincre de changer de camp. Quand elle croise un certain Arthur Martin (pas celui des cuisines) elle est persuadée que c'est un facho comme les autres. Forcément, à s'appeler comme ça et à promouvoir le principe de précaution contre le H5N1... Mais les apparences sont, comme tout le monde le sait -mais l'oublie-, bien souvent trompeuses.
J'ai été totalement conquise par ce film. Il est à la fois drôle et intelligent. Il arrive à aborder des sujets sérieux sans tomber dans le pathos, tout en finesse. Ou presque bien sûr, si on excepte Bahia, un personnage à la grande gueule au discours engagée, excessif parfois, mais toujours d'une grande justesse.
Certains dirons que c'est un film à propagande gauchiste : pas du tout, il parvient dans un remarquable tour de passe-passe à dévoiler toutes les vérités qui fâchent tout en montrant au combien on ne peut pas se réduire à des préjugés, comme le fait que s'appeler Arthur Martin tu votes forcément UMP (préjugé gauchiste en l'occurrence). Ainsi Bahia et Martin ont un échange pertinent sur le fait que c'est trop facile de dire : les gens de droites sont les méchants et les gens de gauche les gentils. J'ai aimé d'ailleurs que le film ne tranche pas, que les personnages donnent leurs opinions comme on le ferait en vrai, sans personne pour décider de qui à raison (et puis de toute façon il me semble qu'il n'existe pas une seule réponse juste).
Sara Forestier incarne à merveille Bahia, elle l'habite avec grande force. Un personnage qui m'a d'ailleurs rappelé la fille dans "des fleurs pour Algernon". Libre, provocante sans être vulgaire, animal blessé dans le fond, artiste. Jacque Gamblin s'en sort aussi très bien, même s'il parait un peu pâle en comparaison. Ce Martin en proie au dilemme identitaire intérieur et à l'habitude familiale de parler pour ne rien dire, à ce masque rigide, ce blindage émotionnel que Bahia vient faire voler en tout sens (il lui dit à un moment qu'elle fait trop de vent... en effet il est presque impossible pour lui de maintenir sa cohérence, ce masque, avec le tourbillon de liberté qu'elle a en elle).
Mais tout les personnages sont intéressants parce qu'ils sonnent juste (même la guest-star pour ceux qui voient ce que je veux dire ). Je pense que je ne vais pas être la seule à reconnaître tel ou tel trait de caractère, de comportement familial. Parlons en, de la famille. Portrait à la fois tendre, acerbe mais réaliste, de familles en proies à leurs secrets, au choix du non-dit et de ce qu'il implique. La rencontre des deux familles est juste atomique ! J'ai été pliée de rire devant la pauvre Bahia qui n'arrive pas à trouver des sujets de conversations et fait gaffe sur gaffe (certes j'étais peut être la seule à rire aux larmes).
Ce film parles à merveille de beaucoup de choses, il est très riche. Avec quelques thèmes dominant comme la recherche d'identité de ces nouveaux français fruits de l'immigration, le racisme bien sûr, le poids familial et les tabous, les préjugés... La guerre d'algérie, l'holocauste... Très intéressant par ex, le fait de souligner l'amalgame entre les arabes et les musulmans. J'ai bien aimé aussi le fait de voir les dernières élections présidentielles et comment Bahia prend tout à coeur.
Dans la forme du film, l'intégration de Bahia et Arthur enfants, permettant un dialogue intérieur fréquent, est une géniale idée et merveilleusement intégrée. Le mélange de ce dialogue, de la réalité, du passé... est fait avec beaucoup de douceur et de force à la fois (et sans nous perdre). L'intégration des dessins est géniale aussi.
Encore une fois beaucoup de subtilité, pas de choquant, dans ces choses qui ne sont pas montrées crûment. Qui sont suggérés plutôt que dites, par quelques notes de piano...
Enfin ne pas oublier une belle histoire d'amour malgré les différences, d'autant plus belle que c'est traité avec douceur et non voyeurisme. Même si au final, ce n'est ptet pas le plus intéressant !
Bref, un film sensible, touchant et drôle, au ton pertinent.
Des thèmes casse-gueules abordés avec art.
Un grand bol d'air qui fait du bien. 5/5
note, attention spoiler :
la comparaison entre le gazage des poulets à cause du damné principe de précaution et des camps d'exterminations des nazi est terrible !