C'est quoi Star Trek ? (6) : les préquelles, ou Star Trek a t-elle vendu son âme pour renaître de ses cendres ?
Précédemment :
- C'est quoi Star Trek ? (1) : présentation générale
- C'est quoi Star Trek ? (2) : par où commencer ?
- C'est quoi Star Trek ? (3) : la première série, aux fondements du mythe
- C'est quoi Star Trek ? (4) : transition et renouveau. The Next Generation.
- ST (5) : la floraison des années 90. Deep Space Nine (pas encore vu) et Voyager. Retour au cinéma.
Après les brillantes années 90, la saga traverse une période de crise. Le dixième film Star Trek sortis en 2002, "Nemesis", semble être le dernier, Star Trek n'est plus du tout à la mode et la saga est vue comme has-been, kitsch, morte... Surtout en France, où les diffusions désatreuses de toutes ces belles séries, faites des années après leurs sorties et sur des petites chaines du cable (Jimmy...), ont fortement contribués à cette réputation de "vieux démodés".
Bref, c'est dans ce contexte qu'est tout de même lancée une énième série : Star Trek Enterprise. Jouant sur le préquel pour attirer à la fois les anciens et les nouveaux spectateurs, la saga se cherche. Elle tatonne même beaucoup, tentant une action plus proche des séries "modernes", quites à mettre de côté la philosophie...
Suite à l'échec (relatif) de cette préquelle, qui aurait pu prédire le retour au cinéma, et quel retour acclamé, avec Star Trek de JJ Abrams en 2009 ? Mais à quel prix cette renaissance s'est-elle faite?
Années 2000, la mode des préquelles : Star Trek a t'elle vendu son âme pour survivre ?
Star Trek : Enterprise (ENT) 2001-2005
Dernière série TV de la franchise, elle a subit beaucoup de critiques par les trekkies, bien qu'elle se veuille hommage à toute la saga. C'est une préquelle, c'est à dire qu'elle se passe entre notre époque et celle de la première série Star Trek TOS avec son célèbrissime capitaine Kirk.
Elle nous est plus proche dans le temps, et quelque part, plus accessible : pas de synthétiseur de nourriture ni d'holodeck, la téléportation en est à ses premières expériences... la Fédération n'existe même pas ! "L'Enterprise" est encore un prototype !
Tout est encore à découvrir : on nous compte ici les explorations du tout premier vaisseau terrien Interstellaire, et la série a un goût d'aventures comme nous l'a conté TOS. Les scénaristes ont ré-exploré tout l'univers Star Trek avec cet oeil neuf "de la première fois". Résultat, c'est une série à la fois faîtes pour les novices (j'ai personnellement débutée par là) et pour les fans de la première heure, donnant un nouvelle angle de vue sur les races que l'ont connait si bien (les Vulcains, les Klingons etc) ou si peu (les Andoriens notamment), tout en rajoutant de nouveaux peuples au catalogue (les sullibans, Xindis...).
Le capitaine Jonnathan Archer (1) est aux commandes, joué par Scott Bakula, alias Sam Beckett de Code Quantum. Il a emmené à bord son chien, Porthos !
Il est accompagné :
- du subcommandeur T'pol (2), la première vulcaine de l'Histoire a tenter de vivre avec des humains. Autant dire que ce n'est vraiment pas chose aisée pour elle...
- du commandeur "trip" Tucker (3), ingénieur en chef, il bichonne autant le vaisseau que Scotty dans TOS, avec un même côté assez sanguin. Il n'a pas sa langue dans sa poche, et n'hésite pas à se montrer ouvertement hostile a tout ordre avec lequel il n'est pas d'accord.
- du lieutenant Malcom Reed (4), officier tactique, chargé de l'armement. Un anglais de souche, issu d'une famille de marines, fier et loyal, un grand pessimiste qui va créer pas mal de nouvelles armes.
-de l'enseigne Hoshi Sato (5), japonaise chargée de la Communication. Expertes dans les langues, elle va ni plus ni moins mettre au point le fameux Traducteur Universel ! Elle se réfugie dans son travail, grande angoissée de la vie.
-de l'enseigne Travis Mayweather (6), le pilote. C'est un enfant de l'espace, qui a grandit sur un vaisseau-cargo. Il s'adapte a toute situation, et avec enthousiasme.
-du docteur Phlox (7), médecin-chef a bord. Il vient de la planète Denobula, et c'est un extraterrestre totalement décomplexé ! Il est excentrique et toujours joyeux, et les humains attisent sans cesse sa curiosité.
(Mais pourquoi font-il toujours la tête sur les photos de groupe ?!)
Malheureusement Enterprise n'a pas sû trouver son rythme de croisière ni assez de public. Après deux saisons de stand-alone, et une troisième qui ose faire un fil narratif continu (mais pas toujours heureux loin de là), elle est arrêté alors qu'elle commençait enfin à trouver son élan, à la fin d'une quatrième saison plutôt réussie qui revient enfin aux fondements.
Mon avis :
Enterprise trahit-elle l'esprit trekkie ? oui et non. Mon avis est mitigé car ma vision des choses a évoluée. J'ai commencée par cette série, alors la première fois, l'esprit vierge de tout star trek, la série m'a plutot plû. Je me suis attachée aux personnages et j'ai eu envie d'approfondir cet univers. Ce qui veut plutot dire que ça marche pour les novices.
Je viens de la revoir, avec cette fois le bagage de tout l'univers trekkien. Et là déception. J'ai été exaspérée de voir un capitaine qui se laisse complètement dominer par ses émotions et oublie tout professionnalisme, tout rationalisme. Là où Kirk sait se montrer sanguin mais diplomate et malin, Archer fonce droit dans le mur. Ce qui le fait un peu trop souvent sortir les phaser. Et clairement la série souffre de cette volonté de standard commercial des séries "modernes" : rapide (bon ça on va pas s'en plaindre, si ce n'est que l'action semble percer sur un marasme lent en comparaison), et surtout il faut qu'il y ait des tirs partout, des explosions... même si ce n'est pas nécessaire. Archer vient vite se mêler de ce qui ne le regarde pas, avec des préjugés et un ethnocentrisme pesant : c'est certes, réaliste pour une humanité pas aussi éclairée qu'elle le sera plus tard, mais je n'aime pas le message que cela envoie, car si heureusement T'pol vient donner la voix de la raison et la sagesse, cela ne sera pas toujours le cas.
Bref le ratio habituel de Star Trek étant une majorité de réflexion et d'intelligence, avec une minorité d'action et de violence, eh bien cela passe ici à l'inverse. Quelques épisodes vont se rapprocher d'un "esprit trek" en perdition en poser des dilemne éthique, tel "le troisième sexe" (saison 2) ou "le clone" (saison 3). Mais cela laisse un arrière goût d'inachevé : certes les questions abordés vont avoir tendance à être plus réflexives que d'autres séries TV "traditionnelles", mais on est très loin de The Next Generation par exemple. Enterprise ne fait qu'effleurer les sujets (quand elle les aborde), ou se prends les pieds dans le tapis avec un Archer qu'on a envie de frapper tellement il peut parfois se montrer ethnocentrique (et donne parfois une conclusion "anti-humaniste" à l'épisode ! Par exemple la conclusion du "troisième sexe", c'est Archer qui remonte les bretelle à Trip avec un esprit "c'est moi qui ai la vérité absolue", alors que Star Trek a normalement l'heureuse tendance de laisser le spectateur faire son choix. Autant dire que j'ai eu parfois le bref sentiment nauséabond que l'impérialisme américain de notre époque n'est pas bien loin)
Le pire étant la saison 3, post-11 septembre oblige, l'équipage part, pour ainsi dire, à la chasse des terroristes de l'espace. C'est une saison où la morale est vraiment éprouvée, où "la fin justifie les moyens". Alors certes c'est du Star Trek quand même, les personnages doutent et culpabilisent, mais alors, que je raconte l'anecdote... il y a un moment où T'pol dit enfin ses quatre vérités à Archer (qui déconne sérieusement dans cette saison), là j'ai eu l'envie d'applaudir, ouai c'est du Trek là, c'est bien envoyé, et, et... une demi-seconde plus tard elle s'excuse que ce n'est pas ce qu'elle a voulu dire. Quoi ???!! Pardon ?!
Voilà peut être tout le problème de cette série. A vouloir faire du Star Trek ET respecter un cahier des charges "série moderne boum-boum sans neurone" la contradiction est telle que ça ne peut pas faire un mélange homogène. L'apothéose étant un final de saison où la diplomatie est une solution "de secours" et où Archer se prend pour Swarzie, à oui parce qu'il faut dire qu'il est du genre méga-kamikaze le capitaine... Certes quelque soit la série l'équipe des officiers de la passerelle à le devant de la scène, et le capitaine le premier rôle (surtout Kirk, et donc ici Archer), mais ici c'est au point où on a vraiment l'impression qu'il n'y a qu'eux à bord, et quelque soit l'action à entreprendre c'est toujours Archer qui l'accompli ! Du genre il se passe un truc à bord ? "j'arrive tout de suite"... Hey Capitaine, votre rôle n'est pas de diriger les opérations depuis la passerelle ?! Mission suicide ? "je m'en occupe, c'est moi qui décide alors vous n'avez rien à dire". Franchement à la place des officiers je me dirais que notre capitaine n'a pas confiance en nous, pour vouloir toujours tout faire lui même (et ce, y compris si ce n'est pas le plus qualifié à bord !).
Le "fil rouge" d'Enterprise, mis en place dès le premier épisode, aurait pu être intéressant : une guerre froide temporelle ça intrigue, miam. Mais alors au secours. Du début à la fin on n'y comprends pas grand chose, d'autant que le "grand manitou" des "méchants" est un "homme mystère"... dont on aura jamais l'identité ! Ben oui, début saison 4 les scénaristes décident de clore ce chapitre vaseux par un double épisode tout aussi mauvais (les nazis, nan mais sérieux ? c'est pas cliché ça ?!), en oubliant au passage le dit "homme mystère" (!). Et avec l'arrêt de la série, il faut regarder ce qu'ont dit les scénaristes aux fans pour avoir la réponse ATTENTION GROS SPOILER ce serait un Archer du futur qui décide de réparer ses fautes. Même en sachant cela cette guerre temporelle n'a pas plus de sens à mes yeux. FIN DU SPOIL
Bon après ce massacrage copieux, parlons quand même des points positifs. Eh bien cela se tient principalement sur la saison 4, qui montre ce qu'aurait du être ce préquel : le développement des thèmes trekkies restés obscurs, le retour aux fondements. La saison enchaine des doubles et triples épisodes qui prennent enfin le temps de détailler les Andoriens, les Vulcains, les Orions, de revenir sur les Améliorés... Enterprise se paye même le luxe d'un double-épisode uniquement dans l'univers-Miroir, grand classique de Star Trek (sorte d'univers parallèle "côté sombre"), où les scénaristes multiplient les hommages à TOS (pour le coup c'est d'autant plus savoureux après avoir vu TOS). Dans cette saison 4 on voit les prémisse de la Fédération avec une vrai volonté de diplomatie et de paix. Enfin ! La série se permet même le luxe de donner une explication capillotractée sur le fait que les klingons n'aient pas de crêtes frontales à l'époque de Kirk, mais après (et avant, pendant Enterprise) oui. En prime monsieur Brent Spiner, alias Data, vient faire une guest de choix (même si la faiblesse de l'écriture nuit à son jeu).
Bref la saison 4 effectue enfin le retour mythologique que l'on attendait plus, et ça on le doit à un changement d'équipe dans le staff ! On en pardonnerais presque les tentatives un peu naïves et pour pas dire très tirés par les cheveux d'avoir, dans les saisons précédentes, fait intervenir des espèces que l'humanité n'est pas encore sensé connaitre, juste parce que ce sont des espèces importantes dans la mythologie trekkie (ce qui donne par exemple lieu à l'excuse bidon "l'espèce en question ne nous as pas donné son nom, donc on ne peut pas noter dans nos rapports qu'on l'a rencontré..." oui ils en sont rendus à là quand même mdr).
Enterprise se termine sur un mauvais épisode final faisant un saut dans le futur, au point de regretter que cela ne se finisse par sur le discours d'Archer aux ambassadeurs lors de l'épisode précédent. ça c'était du grand Trek !
En conclusion mon avis est très partagé sur cette série (on l'aura compris). Cela se regarde, mais il ne faut pas en attendre une profondeur trekkie, et si vous commencez par là ne pas s'arrêter à ça. Par exemple cela manque de phrases percutantes, les dialogues sont globalement trop creux. Le potentiel qu'elle présente aurait pu donner quelque chose de vraiment bien, et c'est le plus rageant. En soit le début de l'exploration n'apparait pas assez comme un "début". Indéniablement aussi, cette série ne serait rien sans les Andoriens et Shran, interprété à la perfection. C'est mon personnage préféré et s'il y avait eu une saison 5 il aura peut être même fait partis de l'équipage !!
Star Trek au cinéma, round 3 : le reboot de JJ Abrams
"Star Trek" de J J Abrams, sortis en 2009, où comment refaire du neuf avec du vieux... Il s'agit d'un "reboot" de la franchise, car on suit les aventures de Kirk, Spock et les autres alors qu'ils sont tout jeunots et entrent à l'Académie de Starfleet. Abrams a décidé de ne pas raconter l'histoire exactement de la même façon, excusant cette reprise par une histoire de temps quelque peu perturbé (dont je ne vous dirais rien pour ceux qui ne l'ont pas vu). C'est un film fait dans les règles de l'art, moderne, tout comme la dernière saga Star Wars, visuellement réussis, mais manquant cruellement de fond... ce qui fait dire à pas mal de trekkies* que ce n'est pas un film "star trek", mais simplement un bon film de science-fiction...
mon avis détaillé ici
Un blockbuster donc, qui a divisé les fans, mais avant tout un grand succès commercial. Un succès qui remet Star Trek au goût du jour, mais à quel prix ? Il est trop tôt pour le dire. Si le film manque indéniablement de thèmes et de réflexions, marque de fabrique de tout ce qui fut Star Trek jusqu'à nos jours (ou presque, si on considère le brouillon qu'est Enterprise), on peut espérer une recherche plus approfondie pour la suite (puisqu'une trilogie est déjà prévue). Maintenant qu'ils ont mis la forme, espérons qu'ils s'intéressent au fond...
"Star Trek Into Darkness" continue sur le même motif. Sorti en 2013, on notera comme avec son prédécesseur qu'il n'y a volontairement plus de chiffre, plus de lien avec le reste de la saga. Un peu plus de fond que le précédent ? Un peu. Les personnages ont un peu grandit, et l'espace d'une brève scène, Kirk se fait remonter les bretelles sur son incompétence juvénile. Mais "'un peu" ce n'est pas assez. On est toujours dans une volonté de faire "jeune et cool", et ce, même si ça n'a rien à faire là (franchement dans la réalité qui confierait le premier vaisseau de la flotte à une tête brûlée incompétente ?!). On continue dans les recettes qui ont marché pour le précédent volet : l'image est travaillée à fond, c'est dynamique, ça envoie du lourd, et côté scenario on ne s'embarasse pas de morale et on va copieusement plagier, sous pretexte d'hommage bien sûr, les précédents Star Trek. Ce système de patchwork atteint ici ces limites, les coutures sont visibles et parfois craquent (la psychologie du méchant, au lieu de paraître nuancé, est névrotique).
En point positif : un méchant revisité admirablement par Cumberbatch (alias Sherlock) qui tient le film par son charisme (même s'il ne peut qu'égaliser avec le génial acteur d'origine) ; un spock furieux ; de l'action et des fx cool, des persos qui se détachent des originaux tout en restant fidèle ; la chute dans le vaisseau qui n'a plus apesanteur (pas scientifique apparemment mais très fun)
En moins : la bêtise absurde des klingons ; le classique "çà passera pas mais si" ; scotty ; la fille en petite tenue (est ce vraiment utile ?) ; la scène bis "ouais on part en mission d'exploration finale" eh oh vous avez pas vu le ST de 2009 où quoi ? ; de la violence inutile (passage que bien sûr ils ont mis dans le générique, mais lol on peut pas faire une intensité plus artificielle) ; et pour finir, une scène culte inversé assez pénible quand on connaît l'original (même si je salue le culot de la revisitation).... Une scène qui en dit long sur la différence entre le star trek "d'avant" et celui de "maintenant". On perd l'émotion sincère pour de l'artificiel, on met de l'action bourine et invraisemblable où il y avait une démarche scientifique, et surtout le côté "fun" vient jeter par dessus l'épaule la science et toute profondeur de sens de la vie toussa de manière si artificielle, si fausse, t'as juste l'impression qu'on se fout de toi (dur de ne pas spoiler attention : mépriser l'impact de la mort quand même, rien que ça ! Faut vraiment que Kirk est une psychologie de molusque pour se remettre tout de suite et avec le sourire de son expérience... Là où dans les Star Trek originaux il faut un film entier ! Et ça se manifeste ailleurs, la mort n'est jamais quelque chose d'anodin.)
Conclusion : une amélioration notable mais peu mieux faire. Un bon blockbuster, mais du Star Trek "2.0" qui n'a plus grand chose de l'esprit trekkie.
Et Star Trek-reboot 3 alors ? Prévu en 2016, il est notable de dire que le réalisateur va changer. Plus de JJAbrams derrière la caméra, trop occupé avec Star Wars 7 (qu'il a toujours espéré réaliser et dont Star Trek aurait été une sorte d'os à ronger en attendant). Le film devrait quitter la Terre pour cette fois explorer l'espace lointain à la façon de l'antique série TV. Alors qui sait, pourra t-on enfin allier la forme et le fond, le nouveau et l'ancien ? Il n'y a plus qu'à attendre et espérer. Reste qu'avec le retour de Star Wars et d'Avatar la même année, ça va être difficile de briller.
Mais c'est peut être une chance, une occasion à saisir. Celle de rappeller ce que c'est Star Trek, de revenir à l'essence de la saga et de rappeller au monde entier que non ce n'est pas un "Star Wars du pauvre", c'est du space opéra intelligent et mature qui nous fait rêver d'un monde meilleur.
Mais n'attendez pas le prochain film : allez-y, lancez-vous, explorez de la piste des étoiles, l'ultime frontière qui pousse l'homme vers ce qu'il a de plus beau ;)
EN SAVOIR PLUS : Index Star Trek
*fan de Star Trek