Main mise sur Jakobar, d'Oliver Deparis : où comment chroniquer un livre est une histoire de subjectivité

Publié le par Lael

Main mise sur Jakobar, d'Oliver Deparis : où comment chroniquer un livre est une histoire de subjectivité

Comme vous le lirez bientôt dans ma participation pour le "Mois de" spécial blogueurs de Book en Stock (ne m'attendez pas pour aller voir, c'est très sympa !), il est pour moi de plus en plus difficile de chroniquer des livres. En effet le fait d'être passé de l'autre côté du miroir, d'avoir moi aussi été publié et eu des retours critiques (et surtout certains refus lors d'Appel à Texte), rend l'exercice délicat, encore plus lorsque je connais, même rien qu'un peu, l'auteur (oui parce que chroniquer Scalzi ou Asimov, a priori, y'a pas le même risque).

Bref je crois primordial de rappeler ceci : mon avis que l'on trouve partout sur ce blog est purement SUBJECTIF.

D'ailleurs, lors de ma rencontre avec l'auteur de Main Mise sur Jakobar justement, à la convention de SF de Grenoble où nous nous sommes lancés dans une discussion passionnante, principalement sur l'écriture, il me semble avoir compris que pour lui certains détails, dans la forme du texte par exemple, peuvent être jugés objectivement. Je ne suis pas vraiment de cet avis : pour moi tout est subjectif, tout, même la forme (d'ailleurs des correcteurs ne reprendrons pas le même texte pareillement).

On oublie bien trop souvent que la littérature est un art : j'imagine que Picasso a été bien moqué à ses débuts, et l'art moderne continue d'être admirée ou détestée, suivant chaque personne qui la regarde. Je ne dis pas que tout les textes jugés "mauvais" sur la forme sont en fait mal jugés car trop originaux, je dis juste que c'est une question de feeling, et donc, de subjectivité. Aligner des mots, c'est comme peindre une multitudes de couleurs, il y aura toujours des mélanges qui seront "validés" sur la forme car déjà vu/classiques, et d'autres qui interpelleront un jugement positif ou négatif suivant le sentiment du spectateur, car il n'aura pas de références auxquels le comparer (et  bam encore de la subjectivité : chaque lecteur aura ses propres références ! Ce pourquoi, d'ailleurs, un novice dans un genre trouvera de l'originalité partout, alors qu'un vieux baroudeur aura tendance à être blasé). Pour une autre comparaison plus terre-à-terre, c'est comme dans les concours de cuisine, y'a qu'à voir Top chef and co à la tv, le jury est composé à chaque fois de grands chefs et chacun aura un avis différent, sur l'esthétique du rendu comme sur le goût, et je ne parles même pas du spectateur devant sa tv qui va adorer ou détester le rendu, à l'opposé de l'avis global du jury !

Bref, un livre est une œuvre d'art. Et c'est un petit miracle que cette relation lecteur/texte/auteur lorsqu'elle marche, d'autant que c'est une sorte de couple où beaucoup de personnes interviennent (betalecteurs, correcteurs, éditeur etc). L'intention de l'auteur sera t'elle perçue par le lecteur ? Le lecteur arrivera t'il à la capter, suivant son humeur et son état du jour ? Les choix fait, que ce soit de la forme ou du fond, seront-ils au goût du lecteur, au moment précis où il ouvrira le livre ? En un mot, pour moi, une lecture c'est l'acte d'un instant très particulier, qui sera bien différent à chaque fois suivant chacun !

 ***

On en vient à cette "Main mise sur Jakobar". Je ne vais pas vous mettre la quatrième de couverture, qui résume tout le livre (qu'est ce que je n'aime pas ça !), mais plutôt vous faire mon propre pitch :

On suit les aventures de Tom, militaire chargé de rencontrer la Main, qui est une équipe secrète vraiment très étrange. Et tout de suite, les choses vont mal tourner, et bien des gens voudront leurs peaux.

On le comprend dans ces quelques lignes je crois, la rencontre ne s'est pas faite avec moi, et j'ai même eu du mal à finir le bouquin. La chose qui m'a été le plus pénible, c'est le manque de contextualisation : pourquoi Tom doit-il rencontrer la Main et pour faire quoi ? On ne le sait pas ! L'information est donnée sur la quatrième de couverture (!) uniquement, à moins que cela m’ait échappé lors de ma lecture. De même on ne sait rien de Tom, ni quel est le vrai rôle de la Main au quotidien. Personnellement, c'est le genre de chose qui m'empêche de me lier aux personnages et à l'histoire. Une histoire qui se résume d'ailleurs à fuir, avec une explication donnée ensuite sur la menace mais qui nous reste très étrangère étant donné le manque de contexte.

Deuxième élément qui ne fait pas partis de mes goûts, c'est des descriptions/action à rallonge de fuites en vaisseau spatial : on est ici en hard sf, c'est très bien détaillés (on sent le scientifique derrière) mais c'est vraiment long, cela prend la moitié des 230 pages du livres. Et quand on est pas dedans c'est assez radical pour se démotiver à continuer.

Au final ce qui m'a le plus intéressé ce sont les personnages, mais j'ai quand même eut du mal : chacun est appelé soit par son pseudo, soit son nom, soit son prénom, et ils sont 5 ! La forme de dialogue "moderne" sans guillemets n'aide d'ailleurs pas à savoir qui dit quoi. Et quand je disais que la forme est subjective elle aussi, on est en plein dedans : l'exemple parfait c'est la première apparition de Laureen, lorsque Tom arrive dans le bar. Au vu des descriptions, j'ai vraiment imaginé des aliens bizarres, puisque j'ai pris des métaphores au premier degré, par ex "le museau fourrageait entre les jupons" (c'est original et en soit j'apprécie l'audace plutôt qu'une description crue, mais ça prête trop à confusion pour moi). Et donc Laureen, dont en gros la description se résume à des yeux énormes et "un mutant", une "créature", un "monstre". Sur le coup j'ai trouvé bien de se focaliser un un trait distinctif plutôt que d'avoir une longue description pas forcément utile, l'ennui c'est ce que je n'ai pas du tout imaginé Laureen comme l'auteur ! J'ai eu bien du mal à lui redonner une apparence humaine dans ma tête, j'avais plutôt vu une sorte de bestiole informe genre flan avec deux yeux immenses, façon alien d'autrefois ! Mais encore une fois c'est subjectif et je me garderais bien de dire que ce soit "bien" ou "mal", ça donne aussi un effet intéressant, nous forçant à adopter le regard de Tom, qui au début ne voit que le côté monstrueux de Laureen puis voit de plus en plus son humanité et sa complexité.

Toujours sur les personnages, ils sont intéressants car sortent des stéréotypes, par contre j'ai eu un mal fou à comprendre leurs intentions, de manière générale ou sur une réplique précise. Pourquoi Laureen et Tom se prennent en grappe au début ? Je n'ai pas compris. J'ai eu du mal avec leur jeu du chat et de la souris (alors la conclusion forcément je n'ai pas adhéré). Le personnage le plus intéressant reste le Servolith et ses capacités, bien qu'on sache très peu de chose sur lui, comme sur tout les autres.

En conclusion, c'est un roman court où les personnages passent leurs temps à fuir les problèmes, bien souvent à bord de leur vaisseau, les phases de dialogue/action lors de ces fuites très hard sf étant le principal du livre. J'ai regretté un manque de contextualisation qui m'a empêché de m'accrocher aux personnages et à l'histoire. Et c'est dommage, car l'équipage est vraiment hors norme. La scène que j'ai préféré étant finalement au début, avec Tom dans la neige et au bar. Si je ne suis pas rentré dans ce récit, et encore une fois, c'est subjectif, d'autres ont aimés.

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