"Dans le ventre de la bête" ma nouvelle du match d'écriture des oniriques 2017

Publié le par Marguerite Roussarie

"Dans le ventre de la bête" ma nouvelle du match d'écriture des oniriques 2017

Il ya quelques mois j'ai participé à un match d'écriture, et je vous propose aujourd'hui de lire cette nouvelle. Comme je l'expliquais dans mon compte-rendu, j'ai eu 1h45 pour écrire cette nouvelle sur le thème "le cheval vapeur à faim", et j'ai pioché deux contraintes : "un archer maladroit" et "dans la soute d'un vaisseau spatial" (la première contrainte a été une horreur à inclure). Alors voilà, c'est donc un premier jet, avec ses fautes et ses maladresses, mais je vous le livre ici, bonne lecture !

 

TITRE : dans le ventre de la bête

Le jeune Zek visa attentivement sa proie. Le vent était doux. Le kimon broutait mollement, le regard sous anesthésiant. C’était une proie facile, juste une grosse bestiole à poils long immobile. Pourtant, Zek parvint à le rater, et son tir laser fit éclater un bout d’écorce d’arbre. Le kimon s’était immobilisée, mais juste une seconde, reprenant déjà son cycle éternel de mâchouinage.

Même lui il me nargue, songea Zek.

Lorsqu’il banda son arc une deuxième fois, il glissa sur une feuille humide et tomba dans la vase. Il recrachait ce qui était entré dans sa bouche lorsqu’une voix jappa :

« Arrête de faire l’abruti Zek, et ramène tes fesses ! On a reçut un Od’Spé des schnocks de Là-haut ! »

Le jeune homme se secoua et rejoignit son oncle. Il aurait aimé montrer à ses pairs qu’il pouvait lui aussi être un Chasseur, mais peut-être devait-il renoncer à quelque chose d’aussi puéril. Il ne ressentait pas la nature comme il pouvait ressentir les machines. L’espace l’attendait, et ça, c’était son domaine.

***

« Hey ho ! » lança un homme en chantant, hilare. Ses compagnons de galère, la tronche noire de régolithe, soupirèrent en cœur. Individus couverts de poussières spatiales jusqu’aux poils les plus intimes, seuls la couleur de leurs yeux, et le macaron terni individuel sur leur veste, les différenciaient.

« Tu ne vas pas remettre ça, grogna l’un. T’es encore cramé ma parole !

— Bah laisse-le, tu sais bien que c’est comme ça qu’il tient.

—Je m’en fou, il me gave ! Le boulot est dur pour tout le monde !

— Laisse-tomber, je te dis. »

Les deux techniciens se fixèrent, les sourcils froncés. Puis se détournèrent vers l’un des leurs qui n’avaient vraiment pas la même allure. Lui, il avait à peine vingt ans, et des éclairs rouges de ses cheveux parvenaient à percer le noir de la suie. Il était filiforme, alors que la pluparts des mécanos étaient fort de carrures, atout pour leur job. Mais surtout, il souriait. Il manœuvrait les commandes instinctivement, et il se fichait bien de se prendre des fumées dans la gueule. Il souriait avec sincérité. Zek aimait son job, et sa gaieté fit évanouir les tensions. Il valait mieux ça dans l’espace, car les espaces étaient petits. Zek ne se rendit compte de rien, juste satisfait de son boulot. Il n’avait même pas fait gaffe à ce que lui avait dit son oncle. Quelque chose comme une mission dans la nébuleuse de la Tête de Cheval pour récolter de quoi faire tourner les moteurs des vaisseaux de la compagnie. Une mission de routine, quoi. Zek aimait entendre les cliquetis et chuintements des machines, cela l’apaisait. Il se sentait bien plus à l’aise ici, au cœur du vaisseau-spatial, que sur l’horizon plat de sa planète natale. Il se demandait parfois si on ne lui avait pas menti sur les lieux de sa naissance, car il avait l’impression d’être dans un ventre maternel et réconfortant.

***

Trois mois plus tard, le chargement de minerais entrait en soutes. Zek sentit le vaisseau se cabrer et frémir. Mais le capitaine avait ses ordres, et tant pis si le navire avait ses soutes si pleines que les murs se tordaient sous la pression. 

« Avant-dernier chargement les gars ! »

Tout en surveillant de près les machines qui soufflaient sous l’effort, Zek se mit à parler à voix basse au vaisseau. Zek se sentait malheureux pour lui, il avait mal pour lui. Qui aimerait avoir ses entrailles prêtes à rompre ? L’ultime livraison fit émettre au navire des protestations vives avec des quelques grincements inquiétants. Zek fronça les sourcils. Les jauges étaient à peine dans l’orange, mais…

« C’est tout bon, on passe au dernier ! »

Non, ce n’est pas bon, pensa Zek. Son cœur battait plus vite que de coutume, même pour un moment si critique qui justifiait leur voyage. Il poussa le bouton de la communication avant même de s’en rendre compte.

« Capitaine, on doit s’arrêter là. Le vaisseau ne peut pas en manger plus, lança-t-il.

— Qui parle ? s’écria un officier.

— Ici Zek de la maintenance.

— Dégage des communications mon gars ! Seul le Quartier-maître est autorisé à utiliser cette ligne !

— J’insiste, appuya Zek, la voix posée. Le vaisseau n’en supportera pas plus. »

Il y eut un mouvement d’humeur dans la salle des machines, et les techniciens eurent du mal à rester concentré sur leur travail, pourtant délicat. Le Quartier-maître rejoignit Zek. Il le connaissait depuis longtemps, et se forçant à garder son calme, il posa une main sur son épaule et lui dit :

« Bon, qu’est-ce que tu nous fais là ? La jauge n’est pas dans le rouge, on est chargé à bloc mais ça va tenir. Pas de quoi faire paniquer les patrons. »

Zek l’observa. Il n’aimait pas vraiment les humains, il préférait les machines. Mais le Quartier-maître, il le respectait. Il savait que c’était un homme qui était respectueux du vaisseau. Il pouvait comprendre, lui.

« Les voyants ne disent rien, c’est vrai, admit Zek. Mais je le sens. Si on demande au vaisseau d’ingérer une charge de plus… il va nous claquer entre les doigts. »

Le Quartier-maître resta silencieux un moment. Il n’était pas assez idiot pour sous-estimer l’intuition de son meilleur homme, mais les enjeux étaient importants et cela sera difficile à expliquer à sa hiérarchie.

« Dernier chargement en cours de livraison. On pose le colis. Trois secondes. »

La structure du vaisseau vibra alors que les derniers minerais commençaient leur transfert de poids à l’intérieur. Mais les voyants de l’ingénierie refusaient désespérément de sonner l’alarme. La poitrine de Zek se serra. Il étouffait.

« Deux secondes. »

Le Quartier-maître ne lâcha pas le jeune homme du regard, et lança par l’intercom :

« Capitaine, refusez le dernier chargement.

— Les machines sont dans le rouge ?

— Non.

— Pardon ?

— On peut faire confiance à l’instinct de mon homme.

— Une seconde avant transfert final. »

Plus personne à l’ingénierie n’osait respirer. Quelque soit la résolution de cette affaire, ils seront responsable.

« Contre-ordre. Abandonner la livraison, ordonna subitement le Capitaine. Zek c’est ça ?

— Oui, Monsieur ?

— Je fais confiance à mes hommes, et à mon navire. Moi aussi, je l’entends hurler. »

Ils découvrirent plus tard une défaillance qui n’aurait pas été décelée à temps par les machines. L’instinct de l’homme, à l’écoute de son environnement, restait encore le meilleur système de survie, même dans l’espace.

Publié dans ecriture

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