[livre SFF] La Route de la Conquête, Lionel Davoust

Oui vous ne rêvez pas, une chronique livre sur ce blog, et de la fantasy en plus lol Si j'avais du champagne je le ferais sauter car cela fait tout simplement des années que je n'ai pas eu un aussi gros coup de coeur livresque. C'est simple, à part Les enfants du passé du Luce Basseterre, les rares livres que j'ai lu dans mon désert de lecture ne m'ont pas spécialement emballé, au point que je commence à me dire que mon manque d’appétit pour la lecture ces deux dernières années provient entre autre de cette accumulation de "bof". Il se pourrait aussi que mon désamour pour la fantasy soit enfin en voie de guérison ! Bref, assez parlé de moi, et partons en route pour Evanégyre !

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"La Route de la Conquête" est un (gros) recueil de nouvelles se déroulant toutes dans l'univers d'Evanégyre. En fait Lionel Davoust nous y balade régulièrement depuis plus de dix ans, et ce recueil est l'occasion de s'y retrouver (un peu) dans une chronologie vraiment vaste (plus de 1500 ans !), en résumé :

• "La Route de la Conquête" dresse l'évolution de l'Empire d'Asreth, qui est au centre du récit, de sa gloire à sa chute. Le roman "La volonté du Dragon" se déroule aussi pendant cette période.
• La saga des "Dieux sauvages" à lieu dans une époque indéterminée, un âge sombre bien plus lointain où l'Empire n'existe plus.
• Le roman "Port d'âmes" se situe encore cinq cents ans plus loin !

"La Route de la Conquête", c'est six nouvelles (dont celle, éponyme, qui ouvre le bal, est une novella en fait) dans un univers où la magie est utilisée grâce à la technologie : les guerriers de l'Empire sont dans des armures de combats badass fonctionnant grâce aux cristaux-vapeur, et avec leur foi en l'Empire rien ne leur résiste.

Lionel Davoust met au cœur de ses récits des personnages tourmentés entre leur devoir et les dilemmes moraux qui se présentent à eux, autant dire qu'on est dans un registre emprunt de gravité, dont une nouvelle en particulier ne laissera personne indifférent je pense ("au delà des murs"). Au fil des nouvelles, il dépeint plusieurs peuples, prenant parfois leurs points de vues pour nous faire entrer un peu mieux dans leur tête : c'est dans une démarche quasi ethnologique qu'il nous invite à assister aux rencontres entre l'Empire et diverses peuples ne souhaitant pas le rejoindre - et même, ne comprenant pas pourquoi il le ferait.

armée romaine, à l'attaque !

On change à chaque fois de protagoniste, et la plus marquante reste la généralissime Korvosa du récit éponyme qui ouvre le recueil. J'ai trouvé intéressant d'avoir un personnage central qui soit mûr de bien d'expériences, bien de conquêtes, et qui peut à la fois être d'une froideur sans pareille mais extrêmement futée et diplomate. Le contraste de sa maturité par rapport à au lieutenant qui la seconde est très chouette. Et puis j'ai aimé voir en elles, comme au long des autres récits et personnages, la question de la foi en leur conquête.

L'Empire doit s'agrandir, par la force si besoin, et il y a une vrai nuance qui est posée là : l'Empire conquiert "pour le bien" de tous, pour atteindre une unité qui les sauvera d'une prophétie. On ressent la foi des personnages, persuadés de faire ce qui doit être fait, et on partage leur malaise, à se demander si la fin justifie les moyens ou pas. Car l'Empire n'est pas juste un bête empire conquérant assoiffé de pouvoir, il cherche à aider (en créant une unité qui vient en écho à notre mondialisation avec ses bons et ses mauvais côtés) et non à détruire, mais peut-on vraiment imposer la paix ?

« En son cœur, en son âme, l’espèce humaine est déséquilibrée. Nous apportons l’équilibre, la durée, la stabilité. C’est juste, et indispensable. C’est notre mission. Mais… que se passe-t-il quand on rencontre un peuple déjà équilibré ? »

armée romaine (reconstitution)

Oui j'ai mis des images d'une légion romaine, on va pas se mentir sur l'influence hein, que ce soit la discipline, l'aigle, ou la relative indépendance culturelle des territoires conquis (par exemple pour l'Egypte, les romains ont sû s'adapter à la culture locale et ont préférés par exemple se montrer en pharaon sur les temples dont ils ont continués la construction, ce qui se comprend cela dit, ça ne se refuse pas l'immortalité... bref fin de l'aparté)

J'ai été touché par les différents thèmes, et je salue le style de l'auteur, d'une grande maîtrise, ça faisait longtemps que je n'avait pas profité comme cela de chaque mot. Par contre j'ai regretté que les premiers textes soient relativement semblables : c'est surtout le point de vue et le peuple qui change, toujours dans une variation des mêmes thèmes et trames narratives. "au delà des murs" se démarque, par un récit paranoïaque à la structure parfaite, avec un ancien soldat qui tente de se remettre d'un traumatisme et finit par douter de tout. La fin m'a glacé jusqu'à la moelle.

Puis arrive un peu brusquement deux nouvelles qui changent complètement de style :

• "le guerrier au bord de la glace" : des siècles se sont écoulés, et on se retrouve dans une nouvelle guerre où cette fois les armures artech ont évolués en mekana volant. Cette fois, si on reste dans de la fantasy (y'a des créatures mythiques, je vous laisse la découverte), on est dans une technologie qui nous projette dans quelque chose de plus SF, avec une inspiration pour les méchas japonais qui ne peut que faire plaisir à des fervents comme moi. On change un peu de structure aussi, car cette nouvelle est ouvertement tournée vers l'action (là où les autres sont équilibrés entre actions et réflexions). Bref j'ai kiffé, je regrette juste la fin ouverte qui m'a frustré.

mécha japonais -screenshoot de Buddy Complex (anime chroniqué sur ce blog)

• "quelques grammes d'oubli sur la neige" enfin, récit revenant à quelque chose de très medieval-fantasy avec un roi, une sorcière et un prêtre-soldat. La date est indéterminé mais c'est après un apocalypse qui a relégué l'Empire à un mythe "dangereux". J'ai senti l'ouverture sur ce que je sais de la saga des "dieux sauvages", avec les femmes réduites à moins que rien après que l'une d'elle ait dirigé l'Empire d'Asreth. Ce n'est pas ma came habituellement mais j'ai trouvé que cela peignait une nouvelle facette d'Evanégyre avec succès.

Conclusion :

"La Route de la Conquête" c'est des peuples qui se heurtent à un Empire, des fossés d'incompréhensions impossible à combler entre eux, des combats pour des destins tragiques. C'est un peu trop de fins ouvertes et de mystères irrésolus à mon goût : quand est ce que l'on apprendra ce qui s'est passé lors de l'apocalypse ? Dans la saga des "Dieux sauvages" peut-être ? Et au final quel est cette terrible menace qui a motivé l'Empire a conquérir le monde ?

Bref je reste un peu sur ma faim. Mais franchement "j'ai kiffé grave" lol Ces récits étaient intéressants sur leurs fonds, touchants, et bien écrits. C'était très intéressant aussi de parcourir le fil de l'Histoire sur des siècles. Et puis de la Fantasy originale et réinventé comme ça, moi j'en redemande. Une excellente découverte donc, que je conseille. J'espère juste que les mystères seront plus résolus et les trames sous-jacentes d'Evanégyre seront plus claires dans la suite de cette longue fresque épique.

4,5/5

Et si jamais vous n'étiez pas au courant, Davoust a un super blog et donne de super conseils d'écriture, en autre dans le Podcast qu'il co-anime "Procrastination." Ah oui, il a réussi a me faire écouter des podcasts aussi, et lire de la fantasy donc, deux exploits, je vous jure ! Je n'ai qu'une chose à lui dire après cette lecture : Respect monsieur !

D'autres chroniques : chez xapur, Lorkhan

Livre chroniqué dans le cadre du challenge